arriver et qui étais attendu pour le 28 novembre, pour une petite fête de famille. Aiguillonné par la pensée que chaque jour de retard menace de rendre tout à fait impossible notre voyage en wagon !... j’envoyai un express à ma femme : deux garçons avec un petit canot. Ils me promirent d’être à Séchéké en trois jours. Huit jours après nous les trouvions dans un village, à un jour de distance : un hippopotame avait culbuté et mis en pièces le canot, les garçons avaient failli se noyer, et ma lettre avec le sachet de cuir était au fond de l’eau ! Et pendant ce temps les wagons étaient arrivés ; ma chère femme et tout notre petit monde conçurent de telles alarmes, qu’ils envoyèrent des gens pour s’informer de moi jusque chez Sékosi, et se préparaient à d’autres démarches. Je trouvai ma compagne un squelette, mais du reste en bonne santé, de même que tous les membres de notre petite colonie. Pas de fièvre cette saison; nous en bénissons Dieu. Pendant mon absence, les voleurs, que personne ne punit, ont pris de l’audace; ils sont même entrés de nuit dans la hutte où couchaient la femme d’Aaron et ses enfants, et ont volé des vêtements, tout ce qu’ils ont pu. A mon retour nous avons porté l’affaire au lèkhothla. Les chefs ont ri de nos plaintes, ont parlé d’une amende que nous pouvions, nous, demander. Mais comme nous insistions pour qu’on punît les coupables* on nous promit de les envoyer chercher, et l’affaire en est restée là. Nos coeurs se serrent à la pensée que nous allons laisser les Jeanmairet seuls avec la famille Léfi. Leur position n’est pas des plus faciles, et ils auront à se rappeler souvent, comme nous, que Dieu est notre retraite, notre refuge, notre secours dans les détresses. Ce qui nous désole, c’est la difficulté des communications. J’espère pourtant que nous pourrons arriver à échanger des lettres tous les deux mois. Mais en deux mois, en soixante jours, que de choses peuvent se passer ! Nous devrions être deux familles sur chaque station, pour commencer. C’est une mesure que nécessitent la prudence et la sécurité, et les besoins du pays nous imposent une station à Séchéké aussi bien qu’à la Vallée. Nos circonstances ne sont pas précisément brillantes, et je n’ose rien dire encore de la perspective qui est devant nous. Nous sommes sans protection humaine, dans ce pays de meurtre et de rapine. C’est en Dieu seul que nous devons mettre toute notre confiance. Il ne nous fait jamais défaut. Oh ! que de fois nous aussi nous pouvons dire : « Il m’a fortifié de force en mon âme », et quand nous sommes assaillis par des essaims de soucis : « Le Seigneur achèvera tout ce qui me concerne. » Quant aux païens eux- mêmes, nous ne pouvons pas être désappointés, car nous savions d’avance qu’ils n’ont jamais eu l’Evangile. Pour ma part, quand je vois les revers de tant d’expéditions, le pillage et le meurtre d’explorateurs, je suis pénétré de reconnaissance envers notre Père céleste pour la mesúre' de sécurité et de santé dont nous jouissons. Vous vous serez réjouis, n’est-ce pas? de savoir que Léwanika se propose de s’établir tout près de Séfoula. Nous pourrons, je crois, avoir une belle école du moment que nous aurons une maison. Mais qui se chargera de cette école? Aaron est mieux doué pour l’évangélisation que pour l’enseignement; nous n’avons plus ma nièce avec nous, et ma chère femme, qui n’est plus forte, a toute la charge et les soucis d’un grand ménage sur les bras. Moi, je devrais être un peu libre pour diriger les travaux et visiter les villages... C’est encore aux collines éternelles d’où nous vient tout secours qu’il nous faut regarder. Séfoula, i5 janvier 1887. Séfoula, sur le haut Zambèze et dans la vallée des ba-Rotsi, n’est pas précisément un Eldorado ; ce n’est pas non plus la fin de nos difficultés, tant s’en faut. Mais Séfoula, c’est le terme d’un voyage de trois ans et d’une vie errante de dix années. C’est en 1877, en effet, que nous quittions notre paisible presbytère de Léribé pour le pays inconnu des ba-Nyaï. Nous nous doutions fort peu que ce voyage, qui ne devait durer que quelques mois, aboutirait au Zambèze, au sacrifice (pour nous) d’une oeuvre aimée et à la fondation d’une mission nouvelle. Depuis lors, nous n’avons plus posé le bâton de pèlerin. Si nous avions prévu tout ce qui était devant nous, le courage nous eût probablement manqué. Mais Dieu, dans sa grande bonté, nous a conduits pas à pas ; les difficultés ont surgi une à une, mais une à une aussi elles ont été surmontées. C’est par degrés, et pour ainsi dire insensiblement, que nous sommes arrivés à l’angle de la route où notre vie missionnaire a pris une nouvelle direction et où se sont ouvertes devant nous des perspectives inattendues dans le champ missionnaire. Dieu s’accommode ainsi à la faiblesse de ses enfants. Il les ménage tout en faisant leur éducation; il aplanit leur chemin et leur rend tout facile, et eux, soutenus par « les bras éternels », allant de « force en force », sont tout étonnés, quand ils jettent un regard en arrière, de constater les progrès accomplis et les résultats obtenus. C’est de Lui que vient toute grâce excellente et tout don parfait; qu’avons-nous que nous ne l’ayons reçu ? A Lui donc, à son nom seul soit toute louange et toute gloire ! Ce n’est pas sans émotion que j ’inscris cette date qui ouvre une ère nouvelle dans l’histoire de notre mission. Elle y figurera longtemps dans l’avenir, j ’en ai l’assurance, comme notre Jehovah-Jireh et comme un monument international de foi et d’union. C’est notre Eben-ffezer à nous; en l’érigeant, nos
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