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un îlot couvert de huttes, comme les grains éparpillés d’un chapelet. A la vue de mon singulier quadrupède, de grands garçons qui paissaient du bétail interrompent leurs jeux, ramassent leurs vaches et prennent la fuite en poussant des cris perçants. Les hommes du village, plus raisonnables, viennent me rencontrer et me conduisent à travers ce labyrinthe d’étangs et de courants d’eaux que l’on appelle le gué. L’alluvion emportée par la crue des eaux, il ne reste plus qu’une couche de sable sur un fond d’argile. Nous aurions donc passé sans difficulté si, au courant principal, nous n’étions tombés dans du sable mouvant. — Le chef Kouangou-Mouné arriva bientôt à notre secours avec des hommes et des canots. Ce vieillard vénérable se jeta immédiatement à l’eau, et sans nous saluer débita avec volubilité des prières et des imprécations aux dieux qui nous sont hostiles. Il s’aspergeait les bras, la poitrine, le front, il crachait sur les boeufs, crachait sur le wagon pour les exorciser, pendant que tout le monde le regardait avec révérence. La cérémonie terminée : « Vous sortirez maintenant, me dit-il en me saluant avec bonhomie, je les ai conjurés. » Je lui donnai raison, car, à l’aide de ses canots et de ses gens, je déchargeai immédiatement le chariot. Quand il sortit du banc de sable, la nuit était avancée. Je découvris le lendemain que l’eau était entrée dans nos caisses et nous avait causé de nouvelles pertes, et aussi qu’à la faveur de la nuit, les gens de Kouangou-Mouné nous avaient volés. Gela jeta un nuage sur notre entrevue. Il m’apportait des vivres comme salutation et je lui faisais un présent digne du sien. Mais je refusai péremptoirement les setsiba que ces pauvres gens exigeaient de moi pour leurs services de la veille, jusqu’à ce que le voleur fût découvert et les objets rendus. Inutile d’ajouter que nous en sommes quittes pour nos pertes. Nous passâmes là le dimanche pour faire reposer hommes et bêtes, et, avec les guides que nous fournit Kouangou-Mouné, nous continuâmes lundi notre fatigant pèlerinage. Aux sources du Séfoula, g octobre. Voilà une date au moins qui fait tressaillir de joie. Une autre étape, une grande, dit-on, et nous serons arrivés ! C’est à en rêver. On nous disait : « Rouyi est la dernière rivière, la toute dernière », mais on ne nous disait pas que nous avions passé les derniers mauvais pas. Mais n’en parlons plus. Ces longues étapes nocturnes avec des chariots qui s’embourbent ou vont se briser contre de gros arbres ; les marches de jour avec un soleil de feu, où les boeufs portent si tristement le joug et sillonnent si péniblement les sables pendant que les conducteurs se traînent avec elfort et dirigent leurs attelages comme s’ils avaient renoncé à s’en faire obéir; les murmures déraisonnables et les soucis angoissants, tout cela va passer. Ce sera peut-être un soulagement que de se trouver aux prises avec des difficultés d’un autre genre. Du Rouyi, nous dirigeant au nord-ouest, nous passons le lac Mokangou avec une belle nappe d’eau, puis celui de Kataba, puis le ruisseau de Moalé, séparés les uns des autres par des bandes de bois, et communiquant avec le Zambèze dont ils reçoivent l’excédent des flots. Le pays lui-même présente partout à peu près le même aspect, de Séchéké jusqu’ici : des plaines, des sables, des bois, des éclaircies dénudées et des marais; vastes solitudes si silencieuses de jour qu’on a de la peine à les croire habitées, panorama mélancolique d’une monotonie extrême et où il est difficile de s’orienter. Les monticules qui longent le Ndjoko et le retiennent resserré dans son lit font seuls exception. Avec des ma-Ngnété intelligents, ces bois interminables ne manquent pas tout à fait d’intérêt. Ils vous font volontiers, les braves gens, connaître la grande variété de fruits sauvages qu’on y trouve, les différentes espèces de miel qu’on y recueille, etc. Ils vous montrent l’arbre à caoutchouc, — un magnifique arbre de la famille des figuiers que les ba-Rotsi aiment à planter sur le tombeau des rois, et d’autres espèces encore dont ils ne connaissent pas la valeur commerciale. Vous êtes frappé surtout de la grande proportion d’arbres qui sont revêtus d’une écorce de liège. Ce n’est pas que ce liège soit bon à quoi que ce soit; mais une culture intelligente pourrait l’améliorer. — Je ne parle pas des gommes, ni du coton sauvage que l’on trouve partout, ni de fibres précieuses dont l’industrie européenne ne manquerait pas de tirer parti. Toutefois, il ne faudrait pas que ces forêts zambéziennes rappelassent à l’esprit celles de l’Equateur, encore moins celles d’Europe ou du Nouveau-Monde. Non, nos forêts sont ce que les Anglais en Australie appellent bush : une masse d’arbres et d’arbustes tourmentés par les vents, rabougris et en général d’une vétusté précoce. La vie y languit et s’éteint sans effort. Les sables dont nous avons tant à nous plaindre recouvrent une couche d’argile très dure et imperméable. Cela explique tout à la fois la fertilité étonnante de ces champs sablonneux où l’irrigation n’est pas possible, ainsi que la paralysie -^v il y a des exceptions — de la végétation arborescente. Par infiltration, toutes ces dépressions du sol, ces réservoirs naturels qu’on appelle matsa communiquent les uns avec les autres et donnent naissance à de nombreux cours d’eau comme le Séba, le Siboya, le Séfoula, le Kanyo- nyo, etc. La géologie nous révélera un jour les richesses minérales de ces contrées.


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