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22 septembre. Un malheur n’arrive jamais seul, dit-on. C’est un mouton qui meurt, puis une chèvre, puis un veau. Adieu le lait! puis c’est un boeuf qui se casse la jambe et qu’il faut abattre. Tout cela n’est rien. Mais voici ma montre, mon compagnon inséparable de nuit comme de jour, ma montre à répétition, le souvenir d’un ami maintenant au ciel, mon unique montre qui est détraquée et ne veut plus marcher. J’ai beau la regarder, la caresser, la remonter, c’est fini, son pouls a cessé de battre et me voilà sans montre ! J’en avais bien une autre ; j ’ai dû la donner en reconnaissance de services qui nous ont été rendus. Je suis tout dépaysé. Gomment un tel malheur a-t-il donc pu m’arriver? Serait-ce au Loumbé? en maniant la hache dans les bois?... Autre désagrément. Les guides que nous a donnés le chef Moana-Moari nous ont égarés. Parvenus à un sentier qu’ils nous assuraient être le bon chemin, nous quittons le Loumbé pour nous enfoncer dans la forêt. Nous travaillons d’arrache-pied toute l’après-midi et le lendemain matin à ouvrir le chemin. Mais le sentier se dirige du sud-ouest au sud. Ce n’est pas notre direction; je conçois des doutes. Près d’un abri de feuillage, un feu brûlait encore et il s’y trouvait les restes d’un repas tout récent. Ce sont évidemment des voyageurs qui viennent de s’enfuir à notre approche. Vite Aaron enfourche le cheval. Oh ! ce bon cheval, quels services il nous a rendus ! Dieu vous bénisse, amis inconnus qui nous l’avez donné ! Aaron atteint les voyageurs, calme leur épouvante et apprend d’eux que le sentier que nous suivons conduit aux mines de Kachenjé; le chemin du Rouyi est plus loin. Bon, voilà du travail perdu. Nous rebroussons chemin et poussons à 12 kilomètres plus loin. Des voyageurs qui conduisent une troupe de jeunes filles pour le service de la maison royale nous rassurent. « C’est le grand chemin de la capitale, il n’y en a pas d’autre. » Ce grand chemin n’a pas deux pieds de large. C’est que les indigènes, quelque nombreux qu’ils soient, ne marchent jamais de front, mais toujours à la file, en observant strictement les règles de la préséance. Nous nous remettons au travail et allons déboucher au chott Isiki. C’est un de ces nombreux lacs égrenés entre le Loumbé et le Rouyi, dépressions peu profondes du sol, qui se dessèchent en partie au printemps, mais qui, lors de la crue, forment d’immenses nappes d’eau du trop-plein du Zam- bèze. Je parviens à acheter un peu de blé des voyageurs que nous rencontrons, et même du sel. Du sel ! Aaron, qui l’a flairé avant moi, s’en va secrètement en acheter une toute petite calebasse dont il me fait présent. Ce sel est encore tout plein de sable et de terre; tout de même c’est du sel, et quand on en a été privé pendant des jours, on pourrait le croquer comme du sucre. A la rivière Motondo, 2g septembre. Nambora ka Nkoli! C’était notre cauchemar depuis Séchéké. Tout le monde en parlait avec effroi. Nambora ka Nkoli, c’est la forêt où « l’on ne boit que l’eau de sa gourde » ; ce sont des fourrés, des sables et la soif. Les Zambéziens ont une peur terrible de la soif, et ils la supportent mal. L’eau de leur fleuve est délicieuse et ils la boivent par plaisir. En être réduit à sa gourde, c’est une calamité. Il fallut deux jours pour frayer un passage à travers cette forêt mal famée. Heureusement que Middleton, qui n’a plus son wagon, peut prendre ma hache et me soulager. La forêt n’a que 3o kilomètres de large ; nous y entrons à deux heures du matin, et au coucher du soleil nous l’avions derrière nous. « Plus de difficultés, nous avons passé Nambora ka Nkoli ! » Nous débouchons en effet dans une éclaircie. Ce n’est ni un vallon ni une plaine. Cela tient de l’un et de l’autre. C’est une immense traînée herbeuse de 4 kilomètres de large qui paraît au nord-nord-est à l’horizon entre de petites collines et va disparaître dans le lointain au nord-ouest entre d’autre collines bleues aussi. C’est un vaste marécage où le Motondo, sans berges, s’épanche sur un terrain qu’il imbibe de ses eaux comme une éponge. Il forme ici et là des étangs profonds, se divise et se subdivise en plusieurs branches qui essaient de se creuser chacune son ht. Sur les bords de ce marécage immense, il se forme une croûte légère qui rebondit sous vos pas. Malheur si elle se brise sous les pieds des boeufs ou sous les roues du wagon ; c’est un bourbier sans fond. Hélas ! c’est ce qui nous arriva, et, bien que nous eussions passé nos charges en détail avec le tombereau, mon wagon vide s’enfonça les quatre roues à la fois jusqu’au plancher, et ce ne fut qu’après deux jours d’un travail inouï que nous l’en sortîmes comme par miracle. Sur le bras principal du Motondo se voit encore une masse confuse de pieux fourchus où nous voyons des natifs grimper encore, glisser, sauter comme des singes. Ce sont les ruines d’un pont, rustique s’il en fut, que Léwanika dans une de ses expéditions avait fait construire pour faire passer ses armées. A la rivière Rouyi, 1« octobre. Après le Motondo, voici le Rouyi dont nous sépare un bois de 8 kilomètres. Le Rouyi, c’est la répétition agrandie du Motondo : une plaine marécageuse de même apparence où le Rouyi s’égare, s’épanche, forme des mares, des étangs, des lagunes et des ruisseaux. Je prends les devants et me dirige vers HAUT-ZAMBÈZE. 2Q


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