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que le jour va luire où tout genou se pliera devant Jésus, où toute langue confessera qu’il est le Seigneur à la gloire du Père. Je reprends courage alors et je bondis de joie. Autour de moi, c’est vrai, c’est encore le silence et les ténèbres. Mais que sera-ce quand les tribus zambéziennes et les nations de l’intérieur verront la grande lumière et joindront aussi leurs joyeux accents à ce puissant concert !... D’ici nous pouvons encore voir notre campement de la semaine dernière ; nous avons cependant fait un grand pas, car nous étions alors sur la rive gauche et nous voici sur Ja rive droite. Le Loumbé est une rivière profonde et que ses rives ne peuvent contenir. Elle se répand dans une plaine dénudée de plusieurs kilomètres de large, où elle se divise en. une infinité de branches séparées par des marécages impraticables qui sont particuliers aux rivières des régions intertropicales et équatoriales de ce continent. Elle coule parallèlement au Ndjoko du nord au sud, et à trente lieues d’ici se jette dans le Zambèze dù haut d’une muraille de basalte où elle forme une série de chutes. Pendant deux jours, qui à cheval et qui à pied, nous en avons exploré le cours sans trouver d’autre gué que celui qui était devant nous. Découvrant cependant un endroit moins marécageux, où les wagons pouvaient aborder la rivière sans trop de danger, nous décidâmes d’y passer nos bagages en canots, et risquer ensuite nos wagons vides. De petits chefs, attirés par l’appât des setsiba, accourent bientôt avec quelques hommes. « La rivière était presque vide, me dit un vieillard, mais, depuis cette merveille effrayante de l’autre jour, elle se remplit de nouveau. » Malheureuse éclipse, quelles calamités ne lui attribue-t-on pas! Les canots qu’on amène sont tout petits. Un seul individu avec un rameur peut s’y agenouiller, à condition de bien garder l’équilibre. L’idée me vint de les attacher deux à deux, et nous passâmes ainsi tous nos bagages sans le moindre accident. Le passage du gué fut bien plus dangereux, mais nous avions pris nos mesures. A l’aide de grosses cordes du pays, nous parvînmes, non sans peine, à empêcher que les attelages et les voitures ne fussent emportés par le courant. Voilà le travail de toute une semaine. Avec un pont c’eût été celui de quelques minutes. Pauvre Afrique ! Heureux les pays civilisés ! Nos provisions sont au plus bas, et il y a famine au pays. Impossible de nous procurer des vivres avant d’arriver au Rouyi*. Et comment y arriver i. Les Zambéziens font de 17 et de IV une confusion remarquable. Les indigènes ne paraissent pas s’y tromper; mais la nuance nous échappe encore. Nous entendons indifféremment Lobosi et Robosi, le nom de jeunesse du roi Léwanika, Roumbé et Loumbé, Rouyi et Louyi L’euphonie semble donner la préférence au son l dans Léalouyi. Cela donne lieu parfois à des contresens amusants. Ainsi loula veut dire s’asseoir, et roura voler; par la confusion fréquente des deux consonnes l et r, ils font avec la plus grande facilité asseoir les oiseaux et voler les hommes. avec des boeufs épuisés? Nous prenons une grande résolution : nous choisirons les meilleurs boeufs, prendrons deux wagons et laisserons les deux autres, que nous viendrons chercher ensuite. Nous donnons à Franz et à Kambourou ce qui nous reste de nourriture, du calicot et de la verroterie et nous leur disons adieu. Nous voyageons mieux. Nous avons fait sept lieues aujourd’hui vers le nord-est, en suivant toujours le vallon, la plaine plutôt, du Loumbé. Elle n’a pas moins de quatre à cinq kilomètres en moyenne. Elle est bordée, de chaque côté, de bois, qui s’avancent comme des promontoires de sable que nous ne pouvons pas éviter. Le sol est riche en minerai, et nous trouvons ici et là des débris de fourneaux ou on le fondait autrefois. Nous ne sommes pas loin des mines célèbres de Kachenjé, d’où les ma-Totéla de toute la contrée vont tirer le fer tant pour leur propre usage que pour leur petit commerce et le tribut qu’ils doivent au roi. La vallée du Loumbé, comme celle de tous les affluents, parait avoir été autrefois exploitée sérieusement. Il s’y trouvait évidemment une forte population, à en juger par les champs en friche et les couches exhaussées, entourées de rigoles couvertes d’herbes où l’on cultivait le manioc et les patates. A distance on dirait des tombeaux. Que sont devenues toutes ces populations ? Problème douloureux à résoudre. Quand je voyageais en canot sur le Zambèze et que je m’étonnais du dépeuplement d’une contrée aussi riche, mon guide me disait que, pour plus de sécurité, les habitants s’étaient retirés à l’intérieur des terres. Et maintenant encore on me les indique du doigt plus au nord. A Séchéké on nous disait que nous voyagerions parmi des tribus nombreuses, machaba-chaba ' ! Où sont-elles ? Çà et là, un village, un hameau caché dans les bois, voilà tout. La conquête du pays par les ma-Kololo a commencé cette oeuvre de destruction que continue encore la rapacité insatiable des ba-Rotsi. Entre les mains de colons européens, ce pays serait d’une richesse inépuisable. On pourrait tout y cultiver, les produits des climats tropicaux, comme ceux des climats tempérés. Le point noir, c’est la question des débouchés, ce sont les voies de transport. Toujours est-il que, pour des commerçants philanthropes, il pourrait y avoir unç oeuvre à faire. Au point de vue missionnaire, si nous étions riches en hommes et en fonds, il y aurait lieu de fonder un établissement missionnaire dans les environs du Ndjoko. Il s’y trouve déjà plusieurs villages, il est à croire que la population éparse se grouperait autour d’une station. Ce serait un trait d’union entre Séchéké et Léalouyi. i . Séchaba signifie « peuple »; plur., li ou machaba !


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