reuse inspiration de partir avec ma hache sur l’épaule. Waddell avait un accès de fièvre et se traînait péniblement. Nous bûchâmes fort. Nous allumâmes de place en place de grands feux pour montrer la direction de la route. A dix heuresj nous atteignîmes Mosikili, où nous devions attendre les wagons. Mes compagnons, fatigués, s’étaient recoquillés autour du feu, car il faisait froid, et s’étaient bientôt endormis. Seulj debout, je veillais, plongeant le regard dans l’épaisseur des ténèbres, tendant l’oreille au moindre bruit, jusqu’à ce que je crus entendre les clochettes des boeufs et se dessiner devant moi des silhouettes confuses. Illusion. Rien. A deux heures du matin, j’expédiai deux hommes pour voir ce qui était arrivé. Ils revinrent à cinq heures avec les attelages et la nouvelle qu’Aaron, ayant manqué notre chemin, avait embourbé sa voiture dans le marécage. Ayant immédiatement fait passer le bétail sur un îlot, où il paîtra tout le jour en sûreté, je retourne aux wagons. En effet, le mien était bien là, presque couché sur le côté dans la vase, — accident qui eût été impossible de jour. Les hommes étaient sombres et tristes. L’échange de quelques paroles amicales et un bon repas qu’on prépara à la hâte lès remirent vite, et ces pauvres hommes travaillèrent toute la journée dans la boue avec un entrain admirable. H- La voiture soulevée, relevée par des crics avec une peine inouïe dans ce bourbier sans fond, on pava le terrain spongieux de pieux couchés et de branches d’arbres. Heureusement que tout cela pouvait se faire de jour. Le soir à huit heures, les boeufs arrivent. Je ne comprends pas comment ces gens peuvent trier les différents attelages, puis les boeufs de chaque joug par une nuit aussi obscure, car de clair de lune, point. Ils ont une vue de lynx. A dix heures nous sommes hors des marais, et à deux heures du matin, à Mosikili. Là, hélas ! nouvel arrêt. Mosikili est un îlot. Pour y arriver, il faut traverser un bras du Loanja avec de l’eau par-dessus le genou, et de 3oo mètres de large ou plus. Ne faut-il pas que notre dernière voiture s’y embourbe ! — C’est en vain qu’on double les attelages et que tout le monde transi de froid crie à se rompre la poitrine. Les premières lueurs de l’aurore blanchissent déjà l’horizon, et, bon gré mal gré, il nous faut abandonner la partie jusqu’à la nuit suivante et sauver nos boeufs. Qu’elle est donc capricieuse tout de même cette mouche meurtrière ! Peut- on le croire? Ses essaims pullulent dans les forêts qui bordent le Loanja, tandis que sur les îlots à quelque l\oo mètres de là, il n’y en a pas trace. Ces îlots sont des refuges sûrs et connus, où les ba-Rotsi, en voyage, parquent toujours leur bétail. Je n’ai pu m’empêcher de sourire en entendant parler d’une théorie curieuse et originale. On se serait, paraît-il, étrangement mépris sur la nature de la Glossina morsitans. Sa piqûre, dit-on, est parfaitement inoffensive. Les désastres qu’on lui attribue sont tout simplement les effets d’un climat miasmatique. Ainsi, les boeufs seraient sujets aux fièvres paludéennes comme leurs maîtres. Eh! que de tonnes de quinine il faudrait pour les sauver ! — Et si pourtant c’était vrai, que de fatigues et de soucis nous seraient épargnés ! Il est de fait que la tsetsé est encore fort peu connue. Elle suit le buffle dans ses migrations, c’est certain. M’est avis qu’elle dépose ses oeufs dans sa bouse et qu’elle suce son sang; car, aü dire des chasseurs, du moment qu’ils ont abattu un gros animal, la carcasse est immédiatement couverte d’essaims de tsetsé. 22 août. Qu’elle est donc difficile l’éducation de nos Zambéziens, surtout quand ce sont des ma-Thambézi qui s’en mêlent. « Gens de la rivière », passionnés pour les canots et. la pêche, tout autre travail leur répugne et celui-ci tout particulièrement. Ils ont peur des boeufs, ils abhorrent les wagons et les trajets nocturnes. Et voilà deux nuits consécutives qu’eux non plus n’ont pas dormi. Ils sont frileux, ce qui les rend de mauvaise volonté ; on ne les fait bouger qu’à force de gronderies. Pourvu qu’ils aient de la nourriture, du feu et du sommeil, peu leur importe le reste. Qu’on avance ou non, que les boeufs s’égarent et que les wagons s’embourbent, cela les touche peu. Une scène eut lieu ce matin où les ma-Thambézi déversèrent tout leur fiel. Les Zambéziens se mirent décidément en grève ; ils roulèrent leurs nattes et se disposaient à retourner chez eux. « Partez ! criaient les conducteurs à la fois, partez vite. Si ce n’était le morouti, nous vous rosserions comme des chiens. Allez^-vous-en, renards, filez! » — Et s’ils étaient partis?... J’appelai les récalcitrants, leur adressai de vertes réprimandes, qu’ils recevaient d’un air câlin, répétant à chaque phrase « Ntaté ! Ntaté ! » L’orage était donc pour cette fois conjuré. Ce qui n’empêche pas que les garçons font leur service de mauvaise grâce. La voiture embourbée nous a retenus une grande partie de la nuit, et nous sommes forcés de rester ici pour le dimanche. Kalangoa, 24 août. Kalangou, c’est le nom d’un petit chef de ma-Totela qu’on étend aussi à son village. Ce digne vieillard, apprenant que nous étions à Mosikili, envoya une bande de jeunes gens à notre rencontre pour nous guider, de peur,
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