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chef que pendant des mois on a flatté et bercé d’une fausse sécurité. On le nourrissait, on prétendait le recevoir dans la confidence du lékhothla. Lé- wanika, craignant que la chose ne parvînt à nos oreilles, avait mandé que cet homme fût entraîné à la chasse et exécuté loin de nous. Rataou et les autres chefs (quelques-uns ses parents) n’approuvèrent pas ces mesures de précaution. « Qu’est-ce que c’est que de tuer un homme ! s’écria-t-il. L’affaire sera vite faite. Les barouti savent d’ailleurs que notre pays est un pays de sang. » Le lendemain soir, au retour d’une visite que quelques-uns des chefs nous firent avec l’infortuné Makapane, ils se rendirent chez Rataou, où on avait organisé une fête de yoala. On but, on causa gaiement, puis soudain un homme se lève derrière Makapane, lui assène à la tempe un coup de massue; puis on l’éventre... et on le jette en pâture aux vautours. Rataou sentit le besoin de venir me conter l’affaire ; mais, pour nous empêcher de donner la sépulture au pauvre homme, il me certifia qu’ils avaient jet£ son cadavre aux crocodiles. Hélas ! les vautours, qui planaient au-dessus de la forêt, lui donnèrent bientôt le démenti. Pendant que j ’essayais de faire comprendre à Rataou l’énormité de ce crime, et que je lui appliquais la parole divine, que « celui qui tue par l’épée, périra par l’épée », il frappait des mains devant moi avec autant d’entrain que si je l’eusse comblé d’éloges, l’hypocrite 1 Dans cet épouvantable débordement des passions, nous aussi nous avons eu et avons encore à souffrir. De jour comme de nuit nous sommes exposés aux vols les plus effrontés. On ne respecte ni nos wagons, ni notre bercail, ni nos maisons. Sans protection, sans défense aucune, c’est vraiment un miracle de la bonté de Dieu que nous n’ayons pas encore été complètement dévalisés. Les esclaves volent pour leurs maîtres et sont d’une audace efffrayante. Les chefs, eux, viennent honteusement à chaque occasion balbutier quelques paroles d’excuse ou de sympathie; ça coûte peu. C’est dur de voir notre bétail et nos moutons volés et tués en plein jour à deux cents pas du village, et de reconnaître nos propres chemises et nos étoffes sur le dos graisseux des chefs de deuxième ou troisième ordre. Que faire? N’allez pas croire que j’aie rouvert ce triste chapitre pour nous plaindre. Non. Mais priez pour que Dieu nous rende capables, par sa grâce, d’accepter « joyeusement le pillage de nos biens », et de nous délivrer de tout sentiment d’aigreur... Cela prendra fin un jour; et en attendant notre Maître ne nous laissera jamais manquer du nécessaire. Que dites-vous des remarques de Léwanika sur notre petit nombre? Ce « quand viendront-ils? » n’est-ce pas le cri du Macédonien? Faites-le donc retentir, ce cri, dans nos facultés, dans nos unions chrétiennes, et surtout dans les localités récemment visitées par des ondées de bénédictions. N’estce pas quelque chose d’anormal et di extraordinairement anormal que les réveils en France produisent si peu de vocations missionnaires? Voyez donc ce qui se passe en Angleterre, ce flot d’ouvriers qui, une fois leur salut hors de doute, envahissent partout le champ du Seigneur, en Chine, aux grands lacs d’Afrique, au Congo, etc. L’expérience de l’année qui vient de s’écouler nous impose comme mesure de sagesse de nous adjoindre chacun un des évangélistes. Léfi ira rejoindre Jeanmairet, et Aaron nous accompagnera à la Vallée. Donc deux stations seulement dans cet immense contrée, deux! Aussi longtemps que les Eglises du Lessouto n’entreront pas franchement dans notre oeuvre en nous envoyant des ouvriers et en les soutenant elles-mêmes, nous hésitons à faire un appel à des évangélistes. La position d’Aaron et de Léfi, qui n’ont aucun rapport avec les Eglises de leur pays et qui sont exclusivement soutenus par des chrétiens d’une autre race avec lesquels ils n’ont pas la moindre communication, est des plus pénibles. Ils en souffrent, et s’en plaignent, et je ne serais pas étonné qu’un jour un profond découragement ne s’emparât d’eux. Ce qui fait notre force à nous, c’est le gros de l’armée du Christ qui est derrière nous et nous soutient. Cette question nous a vivement préoccupés, et je crois bien que, par des raisonnements différents, Jeanmairet et moi sommes arrivés à la même conclusion : c’est que la partie indigène de notre mission, si elle doit continuer à exister et à se développer, doit être au point de vue financier l’oeuvre exclusive des Eglises du Lessouto. Séchéké, 1« juillet 1886. Je vous avoue que parfois je suis stupéfait, quand je vois le jour sous lequel les ba-Rotsi nous montrent la nature humaine. Je n’ai encore rien vu de pareil. Les Zambéziens n’ont guère de commun avec les bé-Tchouana qu’un fond de superstitions, la peau noire et le patois de leur langue. Plus je vais, plus je crois que des tribulations nous attendent. Le martyre de l’évêque Hannington dans l’Ou-Ganda, et peut-être aussi celui des autres missionnaires, donne à penser. Nous sentons toujours plus le besoin de nous cramponner à Dieu et à ses promesses, arrive que pourra. Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Dans un milieu tel que celui-ci, la présence de ce Sauveur glorifié qui nous a envoyés et à qui toute puissance est donnée non seulement au ciel, mais aussi sur la terre, donc au Zambèze aussi, est une glorieuse réalité, nous le sentons. Soyez donc sans inquiétudes à notre égard. Nous suivons l’Homme de douleur : le suivrions-nous de loin et avec des coeurs partagés? Mais cet Homme de douleur, tout genou doit fléchir devant lui, toute langue doit confesser son nom. Je comprends que le monde taxe


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