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XXVII L’arrivée du courrier d’Europe.— La Maison des missions. — Les vengeances de Léwanika. — Le vol. — Le cri du Macédonien. — Perspectives.’ — Une course à Kazoungoula. — M. et Mm® Holub. — Retards forcés. — Il faut partir. |||pNos conducteursaS- Les chefs de Séchéké. — Roi mendiant. En route ! — Mésaventures du wagon. — Dans la région de la tsetsé. — Des mécontents. — A Kalangou. Séchéké, 4 mai 1886. C’est pour éviter de la confusion que j’écris de Séchéké. De fait nous l’avons quitté depuis plusieurs jours, Jeanmairet et moi. Nous avions un grand désir de visiter nos évangélistes à Mambova; car ces amis ont eu la vie monotone et difficile depuis notre départ pour la Vallée. Pauvres gens, quel rayon de soleil pour eux ! Une fois à Mambova, nous avons fait une pointe avec Aaron jusqu’à Léchoma pour visiter nos bagages. Et nous profitons d’un moment de répit pour compléter la poste, en réponse à celle qui vient d’arriver. Laissez-moi vous le dire tout d’abord, nous avons été émus jusqu’aux larmes en lisant et relisant des messages si pleins de coeur — tout brûlants — et aussi cette nomenclature de dons qu’on nous signale. Je ne le cache pas, jamais encore, non, jamais depuis que nous avons mis la main à l’oeuvre du Zambèze, nous n’avons passé aussi subitement par l’étonnement, la joie, la reconnaissance et l’humiliation comme alors. Un cher frère, qui a pour moi personnellement une affection de vieille date et bien éprouvée, me disait dernièrement avec une franchise pour laquelle je le remercie : « Il ne faut pas trop vous étonner si vous ne trouvez pas partout pour votre entreprise l’entrain que vous désirez. Votre ardent désir de fonder l’oeuvre du Zambèze vous a fait triompher de toutes les difficultés. Si d’un autre côté vous avez été suivi de près par quelques-uns, tel n’a pas été le cas du grand nombre. Beaucoup vous ont donné leur adhésion avec hésitation, vu la difficulté qu’une telle oeuvre entraîne. Dieu vous accorde de trouver un bon emplacement pour y fonder une station qui offre des garanties moyennes de salubrité 1 On se rapprochera de vous et on vous accordera une adhésion basée non sur la foi, mais sur le succès. (C’est moi qui souligne.) N’en soyez ni surpris ni affligé. Tout le monde se réjouira de voir votre foi couronnée de succès. » Mais je n’ai jamais promis le succès. A nous l ’ o b é i s s a n c e e t l a f o i , a D i e u s e u l l e s u c c è s . J’en appelle à tous ces chers amis de nous connus personnellement ou non, et je leur demande de donner aux sages conseils de mon digne et vénéré ami une contradiction éclatante qui »oit toute à la gloire de Dieu. Et maintenant vous dirai-je notre joie en apprenant la réouverture officielle de la Maison des missions, et la résolution d’avoir enfin un local spécial, le home de notre oeuvre. Les détails qu’on nous donne sont palpitants d’intérêt. Pour moi, comme pour mes anciens condisciples, ce récit évoquera bien des souvenirs personnels. Je vois encore lès hommes de Dieu qui sont sortis de la première maison. L’Eglise vénère leurs noms. Ils ont passé, et leur exemple nous redit éloquemment, à nous qui les suivons : « Travaillez pendant qu’il fait jour... Nos prières comme notre ardente affection vous sont acquises. Que Dieu fasse luire sa gloire sur votre école de prophètes, non, d’apôtres. Qu’elle soit la « chambre haute », où tous, professeurs et élèves, « seront des hommes remplis de la puissance du Saint-Esprit ! » Vous savez que la contre-révolution qui a ramené au pouvoir Léwanika a été des plus sanglantes. Malheureusement, l’insatiable vengeance du roi a poursuivi et poursuit encore à outrance les rebelles qui ont cherché leur salut dans la fuite ou qui ont couru le risque de se jeter à ses pieds et d’implorer grâce. Il a juré d’exterminer jusqu’au dernier rejeton la maison des Kouanocha. Ses émissaires depuis des mois parcourent le royaume dans tous les sens avec des missions secrètes; puis des chefs qui sont mis dans le complot tombent de nuit sur tel ou tel village, pillent, massacrent à coeur-joie, et rentrent triomphants avec des troupeaux de bêtes à cornes, de femmes et d’enfants. Ils se partagent les femmes en attendant que le roi dispose de ce butin de créatures humaines. Quant au bétail, maîtres et esclaves le .volent et le gaspillent à qui mieux mieux. Nul ne s’en étonne et nul n’oserait élever la voix pour désapprouver : « Ké lëroumo ! c’est l’épée, la guerre civile ! » Il semble qu’alors tout soit permis... Je l’ai dit ailleurs, la plume se refuse à donner des détails sur les atrocités qu’on a commises, à Séchéké même, comme à la Vallée, sur des femmes enceintes et de petits enfants. C’est écoeurant. Et vous allez croire que la mine sauvage de ces gens accoutumés à tremper leurs mains dans le sang de leurs chefs et de leurs frères est de nature à nous inspirer de l’effroi? Pas du tout. Ce sont les gens les plus polis du monde, et je crois même qu’ils l’emportent sur les Parisiens. Un maître appelle toujours ses esclaves, même des gamins, changoué. Jamais un esclave ne parlerait à un autre sans se servir du même terme. Pas plus tard que la semaine dernière, à Séchéké, on a massacré un petit UAUT-ZAMBEZE. 26


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