XXVI Appels de Léwanika. — Départ pour Léalouyi. — Parmi les rapides. — Les ma-Khalaka.—De Sénanga à Nalolo. — La soeur du roi. — Au lékhothla.— Une visite royale. — A Léalouyi. —¡'Première rencontre avec Léwanika. — Réception officielle. — Coutumes du lékhothla. ^¡Conversation avec un potentat. — Origine des ba-Rotsi. — Lieux de refuge. — Caractère de Léwanika. — Retour à Séchéké. Séchéké, ig avril 1886. Je reviens d’un second voyage à la capitale. Depuis que la contre-révolution l’a ramené au pouvoir, Robosi ou, comme je l’appellerai désormais1, Léwanika nous envoyait messages sur messages, nous demandant instamment de le visiter. De notre côté, nous le désirions non moins ardemment, non seulement dans l’intérêt de notre mission, mais aussi à cause du pillage et des meurtres qui désolent la contrée. N’ayant pas de canots à nous, nous étions à la merci des chefs de Séchéké. Ceux-ci, absorbés, démoralisés par l’exécution des vengeances du roi, tergiversaient, .nous renvoyaient d’un jour à l’autre. Des semaines se passèrent ainsi. Je pris patience jusqu’au 26 février, qu’à vrai dire je n’étais pas fâché de passer en famille* puisque c’était notre vingt>-cinquième anniversaire de mariage. Mais une fois ce beau jour passé, je me décidai à partir à pied avec deux ou trois ânes et fis mes préparatifs sans bruit. Les chefs en eurent vent et s’en émurent. J’eus bientôt mon équipage et deux canots, l’un pour moi, l’autre pour le petit chef qui devait m’accompagner et les paquets de ses gens. Il n’en faut pas beaucoup, de ces paquets, pour encombrer les auges que l’on appelle des canots. Chaque homme a sa natte, sa gourde, son écuelle, et quand tout est entassé dans la pirogue, on se demande si elle ne va pas chavirer. La place de notre cher Jeanmairet était toute désignée : il devait rester à Séchéké. Je ne me souciais pas de m’embarrasser de Léfi, qui n’est pas voyageur, et Aaron, malgré son grand désir de m’accompagner, ne le pouvait pas. Les chefs ne manquèrent pas de faire du zèle ; ils protestaient de leur inquiéx. Robosi ou « réchappé » était le nom que sa mère lui donna à sa naissance, parce qu’elle était alors en fuite devant les ma-Kololo. A son avènement au pouvoir, il prit celui de Léwanika. tude en me voyant partir seul. Je les tranquillisai facilement. En faisant la revue de mon équipage, je fus content de voir qu’on avait apparemment fait un bon choix. Mes dix ma-Soubiya étaient pour la plupart des hommes faits. Mon Mentor, homme jeune encore, était un petit chef de nos voisins avec lequel nous avions eu d’excellents rapports. Une séparation dans ce pays a toujours quelque chose de particulièrement douloureux et solennel. Mais cette fois elle était loin d’être ce qu’elle était l’an passé. Les circonstances ont changé. Nous étions dans le pays enfin, et nous nous portions tous bien. Nous pouvions donc nous dire au revoir avec la sérénité que donnent la fidélité au devoir et une entière confiance en Dieu. C’est le 6 mars que nous partîmes. Je ne m’étais pas trompé sur mes ma- Soubiya. Ils se montrèrent animés d’une bonne volonté qui ne s’est pas démentie. Ils se piquaient d’honneur de me faire plaisir. Mokoumoa-Koumoa, le chef, donnait l’exemple. Dès que nous débarquions, il était le premier à dresser ma petite tente, à construire des abris, à chercher du bois. Je chassais les oiseaux aquatiques, lui nous fournissait du gros gibier : un zèbre, une antilope, de sorte que nous n’avons pas manqué de viande. Le soir, au bivouac, je leur enseignais un cantique, et nous causions des choses de Dieu, quelquefois longtemps et d’une manière intéressante. A cette saison, qui est celle de la crue des eaux, la navigation du fleuve est difficile, et, aux rapides, particulièrement dangereuse. Aussi, fidèle à la promesse que j’avais faite en partant à ma chère femme et à ces chefs de Séchéké, qui semblaient si préoccupés de la sûreté de ma personne, je mis consciencieusement pied à terre à chaque endroit dangereux. Au début du voyage, la chasse nous avait fait perdre du temps, mais, une fois notre but atteint, je voulais pousser de l’avant, et mes gens s’y prêtaient volontiers. Un jour, nous arrivons, dans la région des rapides, au petit village de Matomé. En un clin d’oeil, tout mon monde disparaît, et lorsque enfin Mokoumoa- Koumoa et les canotiers arrivèrent, ce fut pour m’annoncer, avec de longues figures, que nous devions coucher là cette nuit. Il n’était que deux heures. Je protestai, mais inutilement ; pas un des rameurs ne voulut prendre sa place, et à la fin je dus me rendre. Je ne comprenais rien à cette singulière grève. Une fois que nous fûmes campés, Mokoumoa-Koumoa vint s’asseoir près de moi : « Mon père, dit-il, nous aurions dû t’avertir d’avance. C’est ici le village de Matomé, et, malgré la meilleure volonté du monde, nous ne pouvions pas passer outre. Tu ignores peut-être que dans ces parages se trouve un serpent, un monstre énorme, à plusieurs têtes. Si on a le malheur de passer près de son antre, il fait soudain bouillonner l’eau d’une manière terrible, et puis engloutit tout : canots, rames, bagages et rameurs. Rien n’échappe. Comme nous ignorons le gîte de ce monstre, Rataou et les chefs de Séchéké HAUT-ZAMBÈZE. 2 4
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