Si l’expédition a réussi, ce n’est pas que Satan nous ait laissés tranquilles. Vous le savez, depuis plus de trois ans, il nous a suscité obstacles sur obstacles, et disputé chaque pouce de terrain. Souvent on croyait qu’il allait triompher et que notre expédition crèverait comme une bulle de savon. Dieu a permis tout cela pour purifier et affermir notre foi. Si l’expédition a réussi, la mission réussira aussi. C’est une date dans l’histoire de l’évangélisation de l’Afrique que le jour.où nous avons traversé en famille et avec ùos wagons le Zambèze, cette muraille jusqu’à présent infranchissable aux étrangers— aux étrangers surtout qui auraient voulu se fixer au nord du fleuve. Sera-t-il demandé aux chrétiens d’Europe de grands sacrifices d’hommes et d’argent ? C’est possible. Mais l’Evangile ne reculera pas. On nous pillerait, on nous tuerait qu’avant peu d’années les messagers qui iront publier la bonne nouvelle du salut jusqu’au coeur même du noir continent seraient une grande armée. Dites et redites aux amis que la force et le développement de la mission dépendent entièrement de leur coopération. Qu’ils n’attendent pas que la mort affaiblisse notre petit personnel pour nous envoyer du secours. Ce que je demande à Dieu, c’est que nous n’ayons pas une mission rachitique qui soit toujours entre la vie et la mort, et ne sache que pousser des soupirs et des cris d’angoisse. Le monde chrétien est en droit d’attendre quelque chose de plus qu’un feu de paille dans la mission du Zambèze. Il faut non seulement nous soutenir, mais nous développer. Il faut que nous allions de l’avant. Ce pays n’est que la porte de l’intérieur. Le champ qui est devant nous est sans bornes. 11 faut que le Christ soit prêché, il faut que la Bonne Nouvelle soit publiée, le temps presse. Ne nous laissons pas devancer par les marchands. Montrons que les disciples du Christ, eux aussi, sont capables de nobles entreprises et de grands sacrifices; qu’eux aussi savent se dévouer. A propos des regrets qu’exprimait la Reine Victoria sur la mort de John Brown dont elle vantait le dévouement, un critique remarquait : « Y a-t-il, peut-il y avoir du dévouement à servir une reine ?» Ah ! que parlons-nous donc de sacrifices et de dévouement, nous, quand il s’agit du Roi des rois que nous avons l’insigne honneur de servir ! Les anges même nous envient. XXV La mission jésuite. — A Séchéké. — La contre-révolution. — Akoufouna en fuite. Anarchie et guerre civile, ^ Isolement. — Un voleur.1— Ün mariage missionnaire. — Les représailles de Robosi. — Terreur et anarchie. — Projets de visite à la capitale. Séchéké, 12 décembre i 885. Cette lettre, qui vous dira que nous avons fait un pas de plus dans notre pèlerinage vers l’intérieur, devait 'être confiée a l’obligeance des pères jesuites qui viennent de quitter' définitivement ces régions et se retirent vers le Sud. Quelle mission désastreuse a été la leur! Récemment encore on nous annonçait le décès du P. Kroot, cet homme de coeur avec lequel nous avons eu les meilleurs rapports de voisinage. Il était allé au pays des ma-Tébélé mourir d’une maladie qui le minait. De fait la mission jésuite n’a guère existé qu’en expectative. Elle avait été conçue dans des proportions qui lui ont donné un grand éclat. En 1879, le P. Depelchin visita la capitale des ba-Rotsi, et y reçut un accueil qui lui promettait plein succès. L’année suivante, le P. Burghergge allait commencer la nouvelle mission avec .deux « frères », dont l’un se noya dans les rapides de Lochou. Malheureusement pour eux, ni lui ni son compagnon ne connaissaient la langue. Dès le début ils se rendirent impopulaires, on leur reprochait surtout leur manque de sociabilité, qu’on prenait pour de la méfiance et du mépris; le roi, lui aussi, par calcul, assure-t-on, se montrait exigeant et rapace. Survinrent bientôt des malentendus qu’attisaient la malveillance de certains chefs et la duplicité des domestiques des missionnaires. Bref, après un séjour de quelques mois à Léalouyi, et sans avoir pu commencer les moindres travaux d’installation, les jésuites se virent contraints d’évacuer le pays. Ils se retirèrent à Pandamatenga. Après cinq années d’isolement, ils quittent enfin ce poste d’attente. S’ils n’ont pas réussi, ils laissent au moins derrière eux, avec plusieurs tombeaux comme gages de leur dévouement, le souvenir d’une hospitalité généreuse qu’ils ont exercee à chaque occasion avec la plus grande cordialité, Avant les jésuites, la Société des missions de Londres, elle aussi, avait eu des martyrs chez les ma-Kololo, à Linyanti, en i 85g, et avait dû se retirer.
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