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marèna (chefs), nous avons le pouvoir d’étrangler et de tuer ces esclaves, mais nous n’en avons pas assez pour nous faire obéir d’eux. » Tout cela ne nous émeut pas outre mesure. Je bénis, nous bénissons Dieu que de telles nouvelles ne soient pas venues nous retenir à Léchoma; car il eût été difficile à la plupart d’entre nous de croire à la sincérité des ba-Rotsi dans leurs rapports avec nous. Dieu peut nous garder dans une caverne de voleurs comme dans un désert. Nous croyons que nos vies seront respectées ; nos bagages le seront-ils ? Mardi soir, le 25. Dimanche dernier, c’était le premier dimanche que nous passions sur le territoire des ba-Rotsi. Un beau jour, s’il en fut. Le vent qui avait soufflé tous les jours précédents s’était apaisé, et le ciel était serein. Après la prédication du matin, nous partîmes tous en bateau et allâmes visiter notre vieil ami Mahaha, dont vous vous souvenez. Il est malade et ne sort pas de sa cour. Quel beau trajet ! Le grand îlot que nous côtoyions semblait flotter sur les ondes et porter comme un diadème les palmiers dont il est parsemé. Une légère brume recouvrait le panorama tout entier comme d’un voile de gaze et laissait entrevoir des perspectives lointaines. Le brave Mahaha ne contenait pas sa joie en nous voyant chez lui. A tout bout de champ, il nous saluait individuellement de nouveau. Il voulait savoir l’opinion que j ’avais d’Akoufouna; il ne me cachait du reste pas la sienne. « Il a, répétait-il, l’étoffe qui fait les batlounka — les ministres — mais pas celle qui fait les rois, non. » Nous nous comprenons sans plus d’explication, car la cour s’est remplie des habitants du village, qui sont ravis de nous revoir. Après un court service à la portée de nos auditeurs, Mahaha s’écria : « Sera-t-il dit que notre mère est venue chez nous et n’y a trouvé que la faim ? » Aussitôt les femmes de se lever et d’apporter chacune un petit plat de sorgho, le déposant aux pieds de ma femme en claquant des mains. C’était joli. Puis tout ce monde nous escorta jusqu’au rivage, et longtemps après que nous avions repris nos places et nos rames, leurs bruyantes remarques, leurs claquements de mains et leurs « changoué » parvenaient encore à nos oreilles. Ce ne fut pas le seul plaisir de cette douce journée. Dès le matin nous avions cherché en bateau Ma-Routhi et les enfants des deux familles de nos ba-Souto. Quelle joie, quelle fête pour ces chers enfants, de voguer sur le Zambèze, enfin, et de le traverser dans notre joli bateau, le Lengosa la Khotso ! Nous jouissions de leur bonheur. Quand nous les reconduisîmes et que nous les déposâmes sur la berge : « Oh ! que c’était bon, disait Monyaï, l’un d’entre eux, si nous pouvions retourner ! » Qui eût pu présager que ce cher enfant était sur le point de s’embarquer pour le ciel et l’éternité ! Le lendemain, il se plaignait de maux d’entrailles. Cette maladie, qui chez lui était constitutionnelle, marcha à pas de géant, et le matin il rendait le dernier soupir, malgré nos remèdes et nos soins. Après en avoir fini avec le passage de la rivière, il nous restait encore à retourner sur nos pas, et là, sur la rive droite du grand fleuve, à l’ombre d’un bosquet, à creuser une fosse et y déposer, avec tendresse et émotion, la dépouille mortelle de ce petit ami ! Il avait neuf ans, avait le caractère doux de son père, et pétillait d’intelligence. Mais les maux d’entrailles fréquents dont il souffrait avaient imprimé à sa figure un air de maturité précoce. Une fois de plus notre oeuvre doit à son début être consacrée par la souffrance. Cher Monyaï ! c’était louchant de le voir couché dans son tombeau, enveloppé de sa légère couverture de coton pour tout cercueil, comme un jeune soldat qui tombe sur le champ de bataille et que l’on couvre des plis de son manteau ! Kazoungoula, 29 août i885. N’est-ce pas admirable que le passage du Zambèze se soit effectué si facilement après tout et sans le moindre accident ? C’était une grande montagne devant nous ; Dieu en a fait une plaine. Pas un bateau n’a chaviré, pas une pièce de nos voitures n’a manqué, pas un seul colis n’a été perdu ou même avarié ! Et puis nous avions quelques caisses — d’outils surtout — grosses et très lourdes; nous n’avons pas eu à les déballer. Ceci est un grand point de gagné. Lundi soir, nos trois wagons étaient remontés, le tombereau aussi, et prêts à rouler. Aujourd’hui, ils sont chargés; mais comme nous n’avons pas assez de boeufs et qu’ils sont dans un état affreux de maigreur, nous envoyons deux petites charges avec MM. Jeanmairet et Middleton à Séchéké, et nous resterons ici jusqu’à ce que les pauvres bêtes reviennent nous chercher. Les évangélistes, eux, sont déjà chez Mokoumba, à Mambova, où nous les avons conduits. Vous le voyez, notre expédition a pris fin. Nous ne serons donc plus tous ensemble. Il se peut que l’état du pays, ou celui non moins grave de nos boeufs, nous force de prolonger notre séjour à Séchéké, où M. Jeanmairet va commencer ses travaux d’installation; mais j ’ai bon espoir que nous pourrons au moins arriver à Séfoula avant la saison des pluies. Comme nous soupirons après le moment où enfin nous pourrons arrêter nos voitures ! Quelquefois nous trouvons le pèlerinage un peu long. Mais nous ne murmurons pas. C’est le comble de nos voeux que nous soyons enfin au nord du Zambèze.


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