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XXIV Troubles politiques. — Une délivrance. — Projets pour Séchéké.— Fête de baptême. — Passage du Zambèze. — Le premier dimanche sur le bo-Rotsi.— Mort de Monyai. — Projets d’avenir et appels aux Eglises. Kazoungoula, 23 août i 885. Kazoungoula et la rive gauche du Zambèze ! C’est un pas de plus dans notre long pèlerinage. Nous avons franchi le fleuve, et nous sommes, enfin, dans le pays qui, depuis plus de six ans, était devenu l’objet de nos pensées et le but de nos aspirations. Je laisse à deviner si nos coeurs débordent de joie et de reconnaissance. Vous vous réjouirez avec nous, chers amis, et bénirez le Seigneur. Ce pays sera-t-il pour nous le pays de la promesse ou bien la fosse aux lions? L’un et l’autre, sans doute; mais le Dieu de Daniel, qui était celui des patriarches, est aussi le nôtre. Notre confiance est en lui. Nous nous inquiétons peu de l’avenir, le présent nous suffit. Il y avait, si je m’en souviens bien, un petit nuage qui planait sur ma dernière lettre. Nous attendions des canots qui n’arrivaient pas, et de nouveaux troubles politiques avaient éclaté à la Vallée. On s’était battu, le sang avait coulé; mais il était douteux que la victoire remportée par les partisans du nouveau roi fût décisive. Nous attendions avec impatience le retour des chefs de Séchéké. Nous aurions voulu retenir le temps favorable qui fuyait avec la saison d’hiver. Le séjour de Léchoma, qui menaçait de se prolonger indéfiniment, nous devenait tous les jours moins supportable. Aussi nos réunions de prières avaient-elles pris un caractère extraordinaire de sérieux et d’unité. Dès que nous apprîmes le retour des chefs, nous envoyâmes Middleton et Aaron demander à Morantsiane du secours pour traverser la rivière, et en même temps étudier la route que nous aurions à ouvrir. Nous nous attendions à toutes sortes d’objections et de délais, malgré nos ardentes prières. C’est toujours l’histoire des chrétiens de Jérusalem priant pour la délivrance de Pierre, et ne voulant pas croire qu’il était déjà là, frappant à la porte. Oh ! gens de peu de foi 1 Morantsiane répondit que les chefs se tiendraient à notre service dès que nous le désirerions. En même temps le chef exprimait le désir que l’un de nous restât à Séchéké. Notre ami Jeanmairet était tout désigné pour ce poste important. Dans une réunion solennelle, il fut proposé qu’Aaron irait à la vallée fonder une annexe, pendant que Léfi resterait à Mambova, chez Mokoumba, à une distance raisonnable de Séchéké. « Ayez pitié de moi, nous disait Léfi, je ne suis pas vaillant, moi, je suis poltron. Je n’ai pas peur de la maladie qui est envoyée de Dieu; mais j ’ai peur de vivre tout seul parmi ces sauvages-là. » Nous ne le pressâmes pas, voulant lui donner le temps de réfléchir. Mais après avoir prié, et avant de nous séparer, Léfi nous dit : « J’ai honte d’avoir parlé comme je l’ai fait. C’est un manque de confiance en Dieu. Je suis prêt à aller n’importe où. Je m’en remets à votre jugement. » C’était un beau triomphe de la foi chez un homme aussi pessimiste que cet ami. Aaron, lui, semblait n’avoir aucune arrière-pensée. Il disait à Léfi : « Mon frère, Dieu est puissant pour nous garder. Si nous sommes encore aussi malades la saison prochaine que nous l’avons été la dernière, je dirai : Nous serons toujours malades, c’est notre lot, et nous l’accepterons comme venant de Dieu. Et quant aux Zambéziens, lors même qu’ils sont de terribles sauvages, Dieu touchera leurs coeurs, et nous trouverons parmi eux des amis compatissants, qui s’attacheront à nous. Ç’a été notre expérience à Séléka. Dieu ne nous abandonnera pas. » La question d’Esaïe était plus difficile à résoudre. Nous avons décidé qu’il resterait provisoirement à Séchéké pour aider M. Jeanmairet à ses travaux d’installation. Aaron restera cette année à Mambova avec Léfi, et nous rejoindra à la Vallée l’année prochaine, si telle est la volonté de Dieu. Une fois ces arrangements faits, le triage de nos bagages et nos emballages terminés, nous n’étions pas au bout de nos difficultés : nos hommes tombaient malades, ma nièce avait un érésipèle... Les santés rétablies, c’était la question des boeufs qui nous désespérait. Un de nos attelages est parti avec nos conducteurs ba-Souto et l’évangéliste André. Des quatre autres, un seul nous reste. J’en ai acheté un à Mangouato, qui vient d’arriver avec notre wagon; mais les boeufs de Léchoma, qui meurent de faim, et ceux qui viennent de voyager, tous n’ont que la peau sur le dos et sont d’une si grande faiblesse, que tous les matins nous devons en soulever un certain nombre sur pieds pour les faire paître. Gomment les pauvres bêtes pourront-elles traîner les voitures? Et de quelles charges peut-il être question? Notre embarras est extrême. Un rayon de soleil fut le dernier dimanche que nous passâmes à Léchoma. C’était ce qu’on appelle, au Lessouto, uneféte, le baptême de la femme de Léfi et celui de la petite fille d’Aaron, née à notre retour de la capitale, et peu après la mort de Philoloka. La chère enfant a été baptisée sous le nom significatif de Matséliso, « consolation. » Un grand nombre de Zambéziens, je veux dire une centaine, étaient présents. Qu’ont-ils compris à cette céré- I1AUT-ZAMBEZE. 22


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