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la première chose dont nous ayons besoin, ce sont des canots pour voyager et évangéliser. Il nous en faut quatre pour commencer. Je pourrais mentionner d’autres choses, mais, pour aujourd’hui, cela suffira. h juillet i 885. Nous attendons toujours le retour des « seigneurs de Séchéké ». Ils sont partis depuis plus de deux mois pour rendre hommage au roi Akoufouna. Peut-être se battent-ils déjà pour lui, qui sait? On' assure que le parti de Robosi, défait par Mataha, s’est réfugié dans l’île de Sampété, s’j recrute et guette le moment favorable pour reprendre l’offensive. En attendant, ils ont bloqué la route du fleuve, de sorte que par cette voie toute communication est devenue impossible entre cette partie du pays et la Vallée. Voilà pourquoi nos bateaux ne sont pas arrivés. Dès que les chefs de Séchéké seront de retour, nous ferons passer un ou deux wagons et ferons le trajet par terre. Nous prendrons peu de bagages, car, dans l’état actuel du pays, il y a moins de sécurité que jamais. Et puis frayer une route à travers les sables et les bois, ce n’est pas petite affaire, surtout si, au lieu de passer le fleuve à Kazoungoula, au confluent du Linyanti (Ghobé) et du Zambèze, nous sommes obligés de remonter et de traverser ces deux rivières l’une après l’autre, en démontant nos voitures chaque fois. C’est là, du reste, un petit souci; ce qui nous inquiète à nous donner des cheveux gris, c’est la question de nos boeufs. Ils sont presque tous morts. Pour nous, c’est là un point bien noir, parce que c’est une question de finances. Quoi qu’il en soit et de quelque manière que ce soit, nous irons nous installer dans la Vallée. Notre ami Waddell, qui a maintenant repris sa bonne mine et ses forces, s’est mis avec courage à scier de l’acajou et à faire de petites fenêtres pour notre établissement de Séfoula. Le luxe d’une fenêtre avec des vitres ! C’est maintenant que nous l’apprécierons ! Pendant six mois de l’année, le vent du sud-est souffle vers l’équateur : c’est le vent de la fièvre. Rien ne peut nous en garantir, ni les nattes, ni les couvertures que nous clouons aux ouvertures de notre chaumière. Nous avons, avec Middle- ton, fait un nouveau triage et préparé nos paquets. Nous sommes prêts. 'Je reviens d’un nouveau voyage en tombereau à Pandamatenga avec Middle- ton. Les jésuites, qui sont sur le point d’évacuer complètement le pays, nous ont donné l’hospitalité la plus cordiale. Cela n’a pas empêché que, comme précédemment, nous ne prissions la fièvre. Léchoma est décidément le point le plus salubre que nous eussions pu choisir. Et qui sait? Ces délais, qui nous font bouillonner d’impatience, n’auraient-ils pas pour but de nous acclimater, si tant est qu’on puisse s’acclimater au Zambèze ? J’ai pu me procurer du blé, des brebis et des chèvres des jésuites et quelques autres objets dont M. Jeanmairet et moi nous avions besoin. Savez-vous ce que j’ai payé ces chèvres? 3 fr. 75 c. ! Ces messieurs y ont amplement trouvé leur compte, et nous aussi. Ces chèvres sont d’une race si abâtardie, si rachitique et si microscopique, qu’on pourrait en mettre une tout entière au pot pour faire de la soupe maigre. Quand, comme maintenant, en hiver, elles sont en mauvaise condition, leur carcasse pourrait servir de lanterne, et le goût du peu de viande qu’on y trouve est repoussant. La saison a été extraordinairement sèche, tous les étangs sont taris, et c’est presque une impossibilité de traverser le Kalahari. On dit que, depuis deux mois et plus, Khama est devenu sujet britannique, et que les frontières des possessions anglaises s’étendent maintenant jusqu au Zambèze 1 Le commerce et la prospérité vont maintenant renaître avec la chasse et surtout avec la sécurité jusqu’ici troublée par les ma-Tebelé. D un autre cote, des rumeurs sur les intentions de Lobengoula, au sujet des ma-Choukouloumboué et des ba-Rotsi, ne sont pas très rassurantes. Mais nous pouvons rester tranquilles du moment que nous savons que c’est Dieu qui règne. J’ai à vous communiquer la nouvelle des fiançailles de ma chère nièce avec M. Jeanmairet. L’époque du mariage ne sera fixée que quand nous aurons des nouvelles de la Vallée. Cet événemenh-là nous permettra de fonder dès l’abord deux stations : une à Séchéké, et l’autre à Séfoula. Les plans que nous avions ébauchés en seront nécessairement modifiés, et il serait prématuré de vous faire des communications qui ne seraient après tout que des conjectures. Mais je tremble à la perspective de perdre notre bonne Elise. Ma chère femme est celle de nous tous qui a le plus souvent la fièvre; elle n’est plus robuste. Nous n’avons pas de fille dans la maison : que faire en cas de maladie, et quand je devrai m’absenter? Et l’école, qui s’en chargera?


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