vane est satisfaisant. Si la fièvre s’est attaquée à nous sans nous donner de répit, c’est du moins sous une forme des plus bénignes. Résumerai-je, maintenant, mes impressions en peu de mots? u A dire vrai, l’état politique du pays m’inspire peu de confiance. Mataha, le chef de la révolution, est aveuglé par l’ambition. Le roi n’est qu’un jeune homme imberbe qui est né et a grandi dans l’exil. Il est un parfait étranger parmi les tribus qui l’ont appelé à gouverner. Il ne parle pas encore la langue des ba-Rotsi ni celle des ma-Kololo. Le pouvoir pour lui, c’est le plaisir. Les affaires le préoccupent peu. Le mécontentement perce déjà. Les uns regrettent le roi expulsé, les autres regardent à un autre chef. Sans être pessimiste, je crois prévoir une révolution nouvelle. Mais j ’ai lieu d’espérer qu’elle n’éclatera pas avant que nous soyons à la Vallée, et qu’elle se fera sans effusion de sang. 2. Plus on voit les Zambéziens de près, plus ils sont noirs, et guère n’est possible de les noircir davantage. Mais ne nous décourageons pas ; envisageons l’oeuvre qui est devant nous dans sa réalité prosaïque. L’oeuvre qui se fait avec des dévouements admirables dans les égouts de la société de nos grandes cités, nous la ferons ici. Puissions-nous la faire dans le même esprit. Mais quelle tâche! quel défrichement! que de choses à démolir et combien d’autres à déraciner ! Qu’il est bon de savoir que, si nous portons l’Evangile dans des vases de terre, cet Evangile, ce trésor, c’est la puissance même de Dieu ! 3. Et enfin, que le champ est vaste!... Pendant que je plaidais en Europe pour cette mission, les jésuites arrivaient dans ce pays, e t - s a n s aucune influence étrangère ⧠ils réussirent à se rendre impopulaires et à se fermer la porte. Si les ba-Rotsi nous ont accueillis avec tant d’empressement, ce n’est pas qu’ils se fassent une juste idée de l’Évangile que nous apportons. Ils soupirent après quelque chose qu’ils n’ont pas et qu’ils ne connaissent même pas. Ils cherchent en tâtonnant celui qui seul peut donner la paix et sauver : « Jésus, le désiré des nations. » Nous sommes ici à l’extrême limite qu’ait atteinte l’Évangile. Devant nous s’étendent ces régions immenses ensevelies dans des ténèbres où pas une étincelle n’a encore jailli; là souffrent et meurent des populations nombreuses qu’enchaînent les superstitions horribles et sanguinaires d’un paganisme odieux... Amis chrétiens, dites, ne ferons-nous pas un suprême effort? Si les horreurs de l’esclavage ont ébranlé l’Europe, se pourrait-il que le cri de douleur du monde païen ne parvînt pas à émouvoir les enfants de Dieu d’une vraie compassion et restât sans écho?... Nos évangélistes et l’école..— Mésaventures d’un courrier. — Kpizootie. -— Nouvelles d’Europe. — La fièvre. — L’hiver et k fièvre. — La vie à Léchoma. — Nos aides Kambourou et Ngouana- Ngombé. — Départ des jésuites. — Révolte contre Akoufouna. — Nous manquons de canots. — Préparatifs de voyage. — Fiançailles de M. Jeanmairet. Léchoma, g avril i 885. Nous avions avec nos évangélistes des plans d’évangélisation que viennent toujours contrarier de légers accès de fièvre chez les uns ou chez les autres ; aujourd’hui que les chefs sont tous partis, nous devons les ajourner. Je le regrette pour les évangélistes. Notre ami Jeanmairet, qui a transformé l’école du soir en école du jour, a essayé de leur faire une petite part dans son travail. Mais les indigènes n’ont pas tout à fait du devoir la même notion que lui, et ils trouvent que c’est fort peu intéressant de faire répéter A, B, G, à un ou deux de ces Zambéziens encore bouchés et qui ne se soucient pas d’apprendre. Il ne faut pas que cela vous étonne, mais il n’y a pas beaucoup de ressort chez nos indigènes. Quand tout va bien, ils ont de l’entrain, mais ils se découragent facilement. L’évan- gélisation sera pénible et laborieuse à cause de la dissémination de la population. Si seulement j ’avais un cheval, un de mes chevaux que j ’ai perdus en route! Il y en a bien ici, mais savez-vous quel en est le prix? De 1,900 à 2,000 fr. ! Ce ne sont pas des montures missionnaires, celles-là. Il faut, quand on les admire, se répéter le dixième commandement : « Tu ne convoiteras point. » Ce n’est pas facile quand on voit ces chevaux paître sans rien faire, ou bien montés par des gamins qui les éreintent pour montrer qu’ils savent mieux les faire courir que leurs maîtres qui en ont peur. Nous avions, il y a dix ou quinze jours, écrit jusqu’à nous enfler la tête et nous crever les yeux pour expédier à Mangouato un courrier volumineux. J’avais loué à bon compte un Griqua, chasseur désoeuvré qui promettait de revenir en moins de deux mois. Nous nous frottions les mains de bonheur. Au soulagement d’une liquidation de correspondance venait s’ajouter la perspective de recevoir, avant notre départ pour la Vallée, la poste qui s’accumule à Mangouato depuis des mois. Quelques jours se passèrent. Un matin à mon réveil, une ombre passe devant ma porte. Je me frotte les yeux pour bien
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