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putride du poisson était insupportable. Mais nous n’avions pas le choix. Nous plantons nos rames pour faire un abri : d’un seul coup elles s’enfoncent d’un pied et font jaillir l’eau ; des nuées de moustiques tourbillonnent, trompettent autour de nous et nous lancinant sans pitié de leurs dards; la faim nous ronge l’estomac, et la poignée de roseaux secs que nous donne le brave pêcheur suffit à peine pour rôtir un ou deux épis de maïs. Quelle nuit ! et avec quel bonheur nous saluâmes les premières lueurs de l’aurore ! A 8 heures nous étions enfin à la capitale et mettions fin aux inquiétudes de nos nouveaux amis. Nous apprîmes que Mokoubésa était heureusement arrivé dans la soirée, étonné de ne pas nous voir. Quant à Gambella, il avait passé toute la nuit avec son équipage complètement désorienté, errant en canot, et ce n’est qu’au matin que, le son des tambours royaux parvenant à son oreille, il put prendre la bonne direction et arriver un peu avant nous. Les chefs nous désignèrent un deuxième endroit, et deux d’entre eux nous y conduisirent. Arrivés au village le plus rapproché du lieu en question, on abattit un boeuf, et pendant qu’on l’apprêtait, nous allâmes explorer le site proposé. Nous dûmes patauger dans des mares, traverser le ruisseau Séfoula par trois fois, dans l’eau jusqu’à la ceinture. Survint ensuite une pluie battante qui nous transperça en un instant. Nos guides étaient affublés de longues chemises portugaises d’indienne qui leur traînaient aux talons, et collaient à leurs membres; l’un d’eux s’était donné le luxe d’une ombrelle de même étoffe vieillie et dont la charpente avait une forme impossible. La pluie y passait comme à travers un tamis. Qu’importe ? C’était une ombrelle, et notre mo-Rotsi en était fier et n’en démordait pas. Le lendemain, par un temps magnifique, nous pûmes, Aaron et moi, examiner l’endroit plus à notre aise, et nous convaincre qu’il présente pour un établissement comme le nôtre des avantages incalculables. Reste encore la question de la salubrité, qu’un séjour seul à Séfoula peut résoudre. Ce sera là, en tous les cas, notre pied-à-terre en nous installant à la Vallée. Il est convenu qu’au mois de mai, dès que l’inondation aura passé, et que le pays sera assez sec pour voyager, les chefs enverront des canots pour le transport de nos bagages. Nous nous diviserons en deux bandes, et pendant que les uns remonteront le fleuve, les autres feront le voyage par terre. Ce n’est pas une petite entreprise; mais nous aurons tout l’hiver devant nous. Une dernière requête que nous ont faite les chefs en nous accompagnant à nos canots, c’est de ne pas laisser nos ba-Souto en arrière; ils veulent les avoir à la Vallée. Le respect et l’estime que les ba-Rotsi ont conservés pour leurs anciens maîtres est quelque chose d’extraordinaire. Un chef ne se croirait pas chef s?il n’avait pas pour première femme une ma-Kololo ; aussi, quand on le visite, il ne manque jamais de vous la présenter. C’est ce qui explique comment la langue des ba-Souto a conservé la prééminence dans ce pays. Tous les chefs importants voudraient avoir des évangélistes ba-Souto. On comprend leurs motifs, mais le fait n’en est pas moins significatif, surtout après le bruit qu’on avait répandu que les ba-Rotsi verraient avec méfiance des ba-Souto et un certain nombre d’étrangers s’établir dans leur pays. La présence d’Aaron à la capitale fit sensation ; les chefs le courtisaient, les femmes lui envoyaient de la nourriture, et on venait de loin pour le voir. C’est une popularité qui a ses dangers, mais le fait est là ! Ah 1 si seulement les églises du Lessouto comprenaient la mission que Dieu leur a préparée I Le voyage de retour se fit par des pluies incessantes qui nous retardèrent beaucoup. Nous étions impatients d’arriver à*Séchéké, car nous savions que nous y aurions des nouvelles de Léchoma. Nous ne nous trompions pas. Nous avions à peine mis pied à terre qu’un jeune étourdi s’en vient vers nous, et sans autre préambule dit à Aaron : — « Philoloka, ta petite fille, est morte il y a un mois ! » Le pauvre Aaron, pétrifié, se laissa choir sur son tabouret sans pouvoir parlerl Du moment qu’il put se retirer dans notre hutte, il éclata en sanglots. Gela le soulagea et nous pûmes prier ensemble. Une lettre de ma chère femme confirmait cette douloureuse nouvelle ; les chefs de Séchéké qui avaient fait une visite à Léchoma nous en faisaient un tableau bien sombre. Tout le monde y était malade, et nous nous demandions qui nous trouverions encore en vie. Nous ne perdîmes pas de temps, et le 11 février au soir nous étions de retour à Léchoma... Ces moments-là ne se décrivent pasjll- Notre ami Jean- mairet seul était venu à notre rencontre. A l’ouïe de nos coups de fusil, les autres se traînèrent hors de leurs cases et de leurs lits pour nous recevoir. Léchoma était devenu un hôpital. Il y avait là des figures cadavéreuses qui faisaient peur. C’est que pendant mon absence la fièvre avait sévi et n’avait épargné personne, ma chère compagne moins que qui que ce soit. Et cependant c’est sur elle que retombaient les soucis du commissariat, la charge des ouvriers, le soin du bétail, « Je bénis Dieu, me dit-elle dans sa lettre, de ce que j’ai toujours eu la tête libre, ai pu aller et venir, donner des médecines et des conseils à qui en avait besoin. i> Nous avons parmi nous un ou deux hypocondriaques désespérés, et c’était là une source de beaucoup d’angoisses; mais ma nièce, toujours gaie, s’occupant du ménage et de son école quand elle était assez bien, et M. Jeanmairet luttant énergiquement contre l’abattement que cause la fièvre, et dirigeant la petite oeuvre qui se fait ici, ont fait tout ce qu’ils ont pu pour se créer quelque distraction et adoucir ces temps d’épreuve. Bientôt après mon arrivée l’hôpital s’est transformé ; nos patients se sont rétablis, et maintenant, malgré des hauts et des bas, l’état sanitaire de la cara


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