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demain de notre arrivée eut lieu notre réception officielle. Le jeune roi, drapé d’indienne portugaise à grands dessins, siégeait sur la place publique. Derrière lui étaient ses serviteurs, devant, les joueurs de sérimba et des tambours qui faisaient un tintamarre étourdissant, tandis que tous les chefs avec leurs suites étaient assis en cercle autour de lui, à une distance de i 5o à 200 mètres. Le coup d’oeil avait quelque chose de sérieux et de comique tout ensemble, et me rappelait ce que j ’avais vu à Séchéké lors de ma première visite. Mataha, Gambella ou premier ministre, avait endossé un habillement de drap noir et une chemise blanche! les autres étaient affublés de tuniques d’uniformes de toute provenance; ici, c’était celle d’un agent de police de Kimberley, là celle d’un dragon, plus loin celle d’un officier de marine, et à côté l’habit défraîchi depuis longtemps d’un haut fonctionnaire du gouvernement portugais. Nous eûmes le loisir de faire nos observations pendant que la musique royale nous rompait la tête. A un moment donné, tous les chefs furent mandés près du roi les uns après les autres; une fois le conseil au complet, les sérimba et les tambours se turent, et la cérémonie commença. Les chefs Mokhèlé et Waroubita nous présentèrent, et rendirent compte de leur mission en racontant minutieusement notre voyage. Nous prîmes ensuite la parole pour saluer le souverain et son conseil, et expliquer le but de notre voyage et son caractère. Tous les chefs répondirent les uns après les autres par des discours bien inférieurs à ceux qu’en pareille circonstance nous aurions entendus au Lessouto, mais où l’on sentait un souffle de grande satisfaction et de sincérité : « Soyez les bienvenus, serviteurs de Dieu, dit Mataha; vous qui nous apportez la pluie et la paix, l’abondance et le sommeil. C’est au nom de la nation tout entière que nous vous recevons. Nous vous avons attendus de longues années, et croyions que vous nous aviez abandonnés; aussi est-ce avec joie que nous voyons vos visages, et que nous vous entendons dire qu’aujourd’hui vous ne venez pas seulement nous visiter, mais vivre parmi nous avec vos familles. Vous découvrirez bientôt que nous avons des coeurs jaunes, que notre pays est un pays de sang. La nation est fatiguée, elle soupire après la paix; elle languit. La voici, nous la plaçons devant vous, sauvez-la. Vous le voyez, notre roi n’est qu’un enfant : sois son père, entoure-le de tes conseils. Nous ne demandons pas de présents, nous ne cherchons pas vos marchandises, si vous en avez. Ce que nous vous demandons, c’est votre enseignement; ce que nous voulons, c’est la paix! »... Les autres parlèrent dans le même sens. Le lendemain de ce jour-là, nouvelle mise en scène, mais qui faillit se terminer en queue de poisson. Il s’agissait d’offrir nos présents au roi. Les chefs ba-Rotsi voulurent absolument que la chose se fît dans les' règles. Ils formèrent une longue procession qu’ouvrait le vieux Mokhèlé avec beaucoup de dignité. Waroubita le suivait, portant le précieux paquet. Malheureusement, le roi souffrait d’une ophtalmie; il avait quitté le lékhothla et s’était retiré dans la hutte; une hutte royale, mais une hutte après tout. C’est là qu’accroupis, entassés, à demi suffoqués, nous accomplîmes cette importante cérémonie. Le public privilégié remplissait la cour et bloquait la porte. J étais contrarié; car je comptais sur cette occasion pour donner publiquement à Akoufouna, le jeune roi, des conseils. Pendant que je déployais le grand manteau Saint-Cyr que j’ai acheté à la Belle-Jardinière, Gambella, suant à grosses gouttes, essayait d’introduire ses pieds dans une paire de bottes qu’il avait convoitée. Le manteau émerveilla tout le monde. Gambella, jetant ses bottes, le mit sur les épaules d’Akoufouna, qui se pavana un instant devant nous. On m’écouta silencieusement quand, m’adressant au roi, je m’efforçai de lui montrer que, devant Dieu, il n’est qu’un serviteur qui devra rendre compte de son administration, que ses sujets sont les créatures de Dieu et que lui, Akoufouna, tout roi qu’il est, n’a nullement le droit de mettre à mort qui que ce soit sans jugement préalable, c C’est bien dit, voila un conseil de père, » disaient à demi-voix les chefs. Mais quand je parlai du vol et de la nécessite de l’extirper, tous éclatèrent de rire. . - <s. De quoi riez-vous ? Ai-je dit quelque chose de drôle ? » « Eh, Morouti, tu parles de punir et d’extirper le vol, mais ici tout le monde vole ! * — Tout en riant, ils étaient sérieux. En voici la preuve. Quelques jours après, devant m’absenter pour un seul jour, aucun d’eux ne voulut prendre la responsabilité de mes bagages, bien que je laissasse deux garçons pour les surveiller. — « Ici, me répétait-on, on vole de jour comme de nuit, rien n’est en sûreté. » — Force me fut de les transporter chez un jeune homme d’origine écossaise et de passage à Léalouyi. Ce jour-là nous partions de bonne heure avec Gambella et Makoubésa pour inspecter remplacement qu’on nous proposait pour la station. Livingstone, paraît-il, y avait jeté les yeux, et on l’avait plus tard offert aux jésuites. Nous trouvâmes que l’eau est à une grande distance de la colline, grande complication pour les bâtisses et les ménages, et que la colline elle-même est ’toute couverte de champs — source de tracas interminables avec les natifs. — Gambella tua un boeuf, nous le partagea, puis nous sautâmes en canot pour arriver de jour, si possible, à la capitale. Il se faisait déjà tard. Bientôt nous nous perdîmes de vue dans cette steppe où nous nous frayions un chemin avec peine. Le soleil se couche, pas de crépuscule ici, pas de clair de lune, pas de jalons pour nous orienter. Nous errâmes longtemps dans les ténèbres, sans pouvoir trouver le canal que nous avions suivi; partout nous aboutissions à la terre ferme. De guerre lasse, nous nous dirigeâmes vers un feu : c’était celui d’un pêcheur. L’îlot n’avait pas cent mètres carrés, l’odeur


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