de Khosi èa Mosali, la reine. C’est une ancienne coutume des peuplades de ces régions, à laquelle Sébétoane a donné une vigueur toute nouvelle, en plaçant sa fille Ma-Mochésane comme reine au pays des ba-Rotsi. J’aurai un jour, je l’espère, l’occasion de vous parler avec plus de loisir des attributions de ce personnage important. Qu’il me suffise aujourd’hui de vous faire faire connaissance avec Maïbiba. C’est une femme qui a passé la première jeunesse. Elle est aimable, gracieuse, intelligente et causeuse. Sa dignité ne lui est pas un fardeau. Elle siège au lèkhothla avec beaucoup de grâce, et traite . les affaires entourée de ses conseillers. Aucun d’eux n’a le droit de s’asseoir sur un siège en sa présence, pas même son mari, qui porte le titre de Mokoué- Tounga, le gendre de la nation, mais qui cède le pas aux principaux conseillers. Tout le monde lui adresse la salutation royale, en criant à distance et debout : Taou-touna ! — le gros lion, le lion mâle proprement. Maïbiba nous reçut avec la plus grande affabilité. Après s’être remise d’un peu de gêne bien naturelle, elle nous fit toutes sortes de questions sur les pays d’où nous venons et sur l’objet de notre mission. Elle nous pressa de rester le lendemain pour faire plus ample connaissance et parler à ses gens de l’Évangile de paix que nous apportons. Elle m’écoutait avec un intérêt intense mêlé de surprise, quand je lui parlais de la souveraineté de Dieu, et de ses devoirs, à elle, envers Lui et envers la nation. « Notre pays, remar- qua-t-elle avec mélancolie,; est un pays de sang; les rois et les chefs s’y succèdent comme des ombres. On ne les laisse pas vieillir. Si vous revenez dans quelques mois, nous trouverez-vous encore au pouvoir? Après tout, les ma-Khalaka sont à envier (les serfs et les esclaves) ; les révolutions ne les atteignent pas. — Ah ! ajouta-t-elle en soupirant et en s’adressant à ses conseillers, Robosi n’est plus roi, et il a tout perdu, mais s’il a été recueilli par des gens comme ceux-ci, il peut s’estimer heureux, il n’a rien à regretter. » Gomment se défendre d’un sentiment de pitié en présence d’une personne comme Maïbiba qui a toujours — et elle le sait — suspendue sur sa tête l’épée de Damoclès ? Toute la nation s’accorde à louer les belles qualités de Maïbiba, son affabilité, son horreur du sang, son intelligence des affaires, son hospitalité princière. Ce n’est pas nous qui les contredirons, car, malgré la famine qui désole la vallée, nous avons eu l’abondance au camp, outre le boeuf de rigueur. La reine avait tant à coeur le succès de notre voyage qu’elle expédia immédiatement, à notre insu, un message confidentiel au roi son frère, et se proposa de se rendre elle-même auprès de lui. De tous les chefs, c’est la seule personne qui se soit sérieusement enquise du pillage de nos marchandises à Séchéké, et qui l’ait déploré. Tout ce qu’on dit de cette intéressante personne, et que j ’ai moi-même observé, me remplit d’estime pour elle. On voudrait la voir investie du pouvoir suprême, et alors il y aurait de l’espoir pour ce malheureux pays. Je désirais extrêmement prendre son portrait. Mais elle ne se souciait pas trop d’être exhibée comme les chefs de Séchéké dont les portraits, à première vue, ne l’effrayèrent pas peu. C’est du reste la seule qui ne se soit pas montrée disposée à s’asseoir devant ma chambre noire si mystérieuse. Dans tous les villages on venait en foule. Il fallait dix fois le jour recommencer l’exhibition des photographies, et entendre les mêmes remarques et les mêmes éclats de rire. Puis c’était le « soleil » que j ’avais dans ma poche (une montre), ensuite le portrait de ma femme .que je porte dans un médaillon. Pensez, un homme qui aime sa femme au point de voyager avec son portrait ! Et puis c’était mon miroir que les jeunes femmes n’oubliaient jamais, car ces dames noires aussi ont une petite dose de vanité. Elle se croient belles, très belles même, et elles ne pensent pas précisément que la race blanche ait le monopole de l’esthétique. Une vieille femme, qui ne pouvait pas croire que tout mon corps fût blanc comme ma figure, s’écria, à la vue de mes bras mis à nu, avec un accent de compassion qui me toucha : «c Est-il possible ! il est comme un enfant qui vient de naître1. » A partir de Nalolo, un jour de voyage encore, et le lendemain nous arrivons à Léalouyi. Ma première impression est de celles qu’on voudrait oublier. Décidément la guerre, la guerre civile surtout, rend les hommes fous; elle en fait des bêtes féroces. De la belle ville indigène de Robosi, il ne reste plus que deux grandes huttes en ruines; tout le reste a été détruit de fond en comble. Une jungle épaisse a tout envahi. La capitale actuelle ne se compose que de méchants abris à moitié ensevelis dans une herbe luxuriante. C’est à peine si l’on peut découvrir les sentiers tortueux qui conduisent d’un quartier de village à l’autre. Après la fuite de Robosi, les chefs pillèrent ses trésors, la populace^ et les esclaves s’en mêlèrent. Des épaves de ces richesses je n’ai trouvé que son fauteuil (son trône !) et son marchepied couverts de peaux de léopard. Il paraît que sa barque royale même, un vrai chef-d’oeuvre d’industrie d’après les descriptions qu’on en fait, a été coulée, pour qu’il ne reste rien du roi expulsé. La propriété des jésuites a trouvé le même sort. Ces messieurs m’avaient demandé de m’en occuper, et d’en rassembler les débris s’ils en valaient la peine. Je ne trouvai qu’un peu de ferraille sans valeur, et une caisse de médicaments dont les flacons avaient été vidés pour en faire des tabatières. C’est tout ce qui restait. Le bruit s’était répandu que nous arrivions; aussi trouvâmes-nous à la capitale la plupart des chefs les plus importants qui nous attendaient. Le leni . On sait que les enfants nègres naissent blancs.
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