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Ne comparons pas Ngonyè avec Mousi-oa-thounya1 • Il n’y a pas deux Mousi- oa-thounya au monde. Là tout prend des proportions colossales, dont l’ensemble donne le vertige et saisit d’effroi. C’est, dirait-on, l’entrée des régions infernales. Pourtant, on admirerait, en tous pays, les chutes de Ngonyé : c’est un tableau qui enchante. C’est un roulement de tonnerre étourdissant, mais il n’y a pas de ces coups de foudre ni de ces canonnades qui font tout trembler sous vos pieds. Et cependant les indigènes d’ici ont une aussi haute idée de leur divinité que celle que les voisins de Mousi-oa-thounya ont de la leur; et jamais ils n’oseraient approcher de l’abîme sans offrande. J’eus la témérité de ne pas me conformer à la coutume établie. Aussi, courant de roches en roches, cherchant un point de vue à photographier, je glissai, tombai et roulai jusqu’au bord du torrent, qui allait m’emporter comme une paille, quand jè me cramponnai à temps à une saillie de rocher. J’en fus quitte pour une foulure à la main. Cet accident fit sensation. A mon retour, j ’allai sur l’autre rive pour avoir une autre vue des cataractes. Chemin faisant, un de mes guides me demanda confidentiellement si au moins, cette fois, je m’étais muni d’une offrande. Je lui dis que non. Il en fut ébahi, et j’eus de la peine à le décider à me suivre. Du moment que nous fûmes en vue des chutes, il se prosterna sur un rocher, et, frappant des mains, il commença de longues incantations sur un ton qui dénotait autant de sincérité que de tristesse: « Oh! Nyambé, toi qui habites ces abîmes, disait-il, apaise ton courroux! Ces blancs sont pauvres et n’ont rien à t’offrir. S’ils avaient des étoffes et de la verroterie, nous le saurions bien, nous, et je ne te le cacherais pas. Ils sont pauvres, ils n’ont rien. Oh ! Nyambé, ne te venge pas, ne les engloutis pas, apaise ton courroux, Nyambé!... » Quel soulagement pour ce brave ma-Khalaka lorsque nous reprîmes, sains et saufs, le chemin du retour ! Je suis sûr qu’il n’avait pas même remarqué que j ’avais pris la précaution d’enlever mes souliers pour courir sur les rochers polis par les eaux. Mais hâtons-nous. Le i er janvier, nous remontions la rivière, admirant les forêts qui la bordent; avec l’impression qu'elles allaient cesser. Tout à coup, en effet, pour me servir de l’expression des indigènes, ces belles forêts « s’enfuirent à droite et à gauche », jusqu’aux coteaux que l’on distingue à peine à l’horizon. Devant nous, une plaine s’étend à perte de vue. C’est une vaste prairie où le Zambèze serpente limpidement, envoyant ici et là un de ses bras, et, à l’entrée de la vallée, s’élargissant comme un lac. Le coup d’oeil est étrange, mais pas aussi désagréable que je l’aurais cru. Le riche tapis de verdure rachète un peu la monotonie du paysage. On se croirait facilement i . Nom indigène des chutes Victoria. en Hollande, si on pouvait découvrir au moins un clocher et un moulin à vent au milieu d’un village d’une propreté proverbiale. Les inondations annuelles ont déjà commencé et envahissent les parties basses de la plaine. Nous quittons donc le fleuve, et rien n’est curieux comme de voir nos canots glissant sur l’herbe et d’entendre nos gens demander aux passants quel est le chemin qui conduit maintenant à la capitale. Mais, doucement. Ce n’est pas ainsi, clandestinement, que l’on pénètre dans la vallée des ba-Rotsi. Un soir, les chefs, s’entourant de toutes les formes possibles de l’officialité, viennent me voir. S’adressant à Aaron, qui était à mon côté, ils comptent sur lui comme mo-Souto pour m’expliquer l’affaire importante qui les amène. « Il y a, dans le voisinage, le tombeau de Ngouana-Mbinyi, l’un des plus anciens rois du pays. Personne ne passe sans y faire un pèlerinage et y déposer une offrande de perles blanches ou un morceau de calicot de la même couleur. Tous les voyageurs, même les blancs, se soumettent à cette coutume nationale et sacrée; ils comptent que nous nous y conformerons aussi, et déclarent que, vu mon âge, ils accepteront un compromis et iront eux-mêmes déposer mon offrande sur le tombeau de Ngouana- Mbinyi. y> On devine facilement ma réponse. Les chefs, voyant qu’ils n’avaient rien à gagner, nous prédirent toutes sortes de malheurs, dont notre entêtement nous rendait seuls responsables. Le lendemain, tout notre monde était morne et silencieux, et ils éclatèrent en invectives quand nous passâmes à distance devant le tombeau du vieux roi. Mais le soir, au bivouac, grâce à une grande abondance de viande, de maïs vert et de lait caillé que des chefs hospitaliers nous avaient donnés, tout le monde avait oublié le tombeau de Ngouana-Mbinyi, et chacun avait repris sa gaieté habituelle. Que je remarque en passant que la vallée est parsemée de ces tombeaux des rois des ba-Rotsi. On les reconnaît de loin aux magnifiques bosquets d’arbres toujours verts qui les ombragent. Des chefs, avec un certain nombre de gens, vivent là et entretiennent ces tombeaux avec beaucoup de soin. Le roi régnant, seul, avec son Gambella ou premier ministre, a le droit d’entrer dans l’enceinte sacrée, formée de belles et fortes nattes de roseaux. Du reste, le roi mort depuis des générations est traité avec autant de déférence que s’il vivait et régnait encore. On lui fait des libations de lait et de miel, des offrandes de verroterie et de calicot blanc. On prend congé de lui avant de se mettre en voyage, on vient au retour le saluer et lui conter les nouvelles. Voilà donc pour nous un puissant levier pour prêcher la résurrection des morts et la vie éternelle. C’est une des nombreuses questions qu’il sera intéressant d’étudier au point de vue scientifique comme au point de vue missionnaire. Le 5 janvier nous arrivons à Nalolo, la seconde capitale du royaume, celle


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