l i l i n i l mili ' i Hi avons pu nous en convaincre nous-mêmes. Apercevait-on le canot solitaire de quelque pêcheur mo-Soubya, c’était une course, une vraie chasse de pirates. « A moi sa javeline! à moi le poisson! à moi sa nourriture! » s’écriaient-ils à qui mieux mieux en fondant sur leur victime. Arrivait-on en vue d’un village de ma-Khalaka, nos jeunes gens, sourds à toutes remontrances, l’envahissaient comme une horde de brigands et s’emparaient de tout ce qui tombait sous leurs yeux. Ils forçaient ces malheureux à enlever les toits de leurs propres demeures, et à les leur apporter au bivouac. Les ma-Khalaka offraient-ils de la nourriture? ils la plaçaient devant ces petits-maîtres, se tenaient à distance, prosternés et frappant'des mains. « Chiens de ma-Khalaka! leur criait- on, comment osez-vous nous insulter en nous apportant cette poignée de maïs et ces mauvais fruits? Ne savez-vous pas que nous sommes les serviteurs des seigneurs de Séchéké? N’étaient les barouti (les missionnaires), nous vous étranglerions sur-le-champ ! Mais attendez, nous vous ferons payer tout cela. » Et ces malheureux, tremblant de peur, redoublaient leurs battements de mains et leurs Changoué. Nous dûmes, intervenir plus d’une fois pour prévenir des voies de fait. Que se passe-t-il, quand il ne s’exerce aucune surveillance morale? A la vue de nos canots, tous les hommes d’un village prenaient la fuite. C’était navrant. Il y a une autre pensée qui vous obsède en traversant des régions si vastes, si belles, si fertiles, si riches et pourtant sans habitants S - à part les quelques hameaux de ma-Khalaka que l’on trouve de loin en loin. On pense involontairement à un coin de notre globe où l’homme luttant pour l’existence ne trouve pas même de place au soleil. Dites-le moi, ces solitudes africaines et nos grandes cités d’Europe, ces monstrueuses fourmilières d’êtres humains qui, à côté de l’opulence, renferment tant de pauvreté et de misère, entrent- elles vraiment dans les vues de Celui qui, bénissant les hommes, leur a dit : <r Croissez et multipliez et remplissez la terre » ? Le 26 décembre, nous arrivons au Séoma de Ngonyé. Il nous fallut attendre quatre jours avant qu’on pût rassembler les ma-Khalaka, dispersés par la famine dans les bois, pour transporter nos bateaux au-dessus des chutes. J’en profitai pour aller les visiter. Il vous souvient que le major Serpa Pinto en fait une description poétique. Somme toute, elle est juste. La cataracte est formée par une muraille de basalte, sur laquelle le fleuve se roule, fait une chute de cinquante pieds en formant plusieurs belles cascades d’une grande étendue. Ces nappes argentées, ces flots bouillonnants sont mis en relief par des remparts de rochers noirs, contre lesquels ils se brisent, et par une belle végétation qui, à l’arrière-plan, forme la ligne de démarcation entre l’azur du ciel et celui du fleuve. La lumière éblouissante d’un soleil tropical qui inonde ce tableau en fait ressortir tous les contrastes.
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