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ment de peau, ronfle à ses côtés. Si les estomacs ne sont pas vides, il suffit au réveil d’échanger un regard pour que tout le monde parte d’un éclat de rire. Le Zambèze serait une des grandes artères du commerce s’il était navigable. Il le serait sans ses rapides ; mais ces rapides 1 nous n’en avons pas passé moins de vingt-quatre de Ka-tima-Mollo au Séoma de Ngonyé, une distance, d’après le pédomètre, de 120 kilomètres. Nous avons admiré la prudence et la sollicitude des chefs non moins que l’adresse de nos canotiers, soit quand on remontait péniblement le fleuve, soit à la descente : le canot franchit comme une flèche ces flots éCumants qui se disputent le passage parmi les rochers dont le lit du fleuve est obstrué. On les dirait frappés de démence. Malheur au canot qui pirouette parmi ces récifs et au milieu d’un courant irrésistible ! Un de ces rapides porte le nom lugubre de Lochou (la Mort), à cause des accidents nombreux qui y arrivent. C’est là que les jésuites, se rendant à la capitale eh 1881, perdirent un de leurs confrères. L’infortuné, qui ne comprenait pas la langue, voyant les canotiers se mettre à l’eau pour dégager la pirogue,.s’imagina qu’il y avait.du danger. II.sauta du canot et disparut instantanément dans le tourbillon des vagues bouillonnantes. On ne parvint pas même à retrouver son cadavre. Les rapides.de la Mort! Nous y passâmes une triste nuit, campés par la pluie sur Un îlot, au milieu d’une jungle en fermentation et d’essaims innombrables de moustiques enragés, écoutant bon gré mal gré les récits des malheurs qui ont fait la célébrité sinistre de ces lieux. C’était à apercevoir le spectre de Caron et sa barque dans l’épaisseur des ténèbres, et à vous donner le frisson. Aussi ne vous étonnerez-vous pas des démonstrations bruyantes de joie auxquelles nos Zambéziens se livrent quand ils ont franchi sains et saufs ces endroits dangereux. Ils s’empressent d’aborder à la première plage de sable, se saisissent mutuellement les deux mains, se livrent à une danse passionnée, puis se pressent autour de leurs chefs et de nous; tout le monde agenouillé bat des mains, tous s’entre-répon- dent : Changoué! Changoué ! et puis, se levant, s’alignant comme en présence d’une divinité invisible mais réelle, et étendant les mains, ils s’écrient de toute la force de leurs poumons : « Yô-cho I Yô-cho ! » C’est la salutation, l’action de grâce, strictement réservée pour le souverain. Pour nous flatter, ils ajoutaient tout radieux : « Vous le voyez; Jésus nous a gardés! » En amont de Séchéké et au delà de Katongo, j ’ai été frappé de la beauté et de la fertilité de cette région que je crois être la plus salubre de la contrée. A en juger par la quantité de champs en friche, elle était relativement très peuplée. Aujourd’hui, elle est déserte et n’est plus qu’une immense solitude. Le chef Mokhèlé m’assure que ce sont les ba-Rotsi en voyage, leurs subordonnés surtout, qui, par leurs exactions et leurs procédés, ont chassé toutes ces populations et les ont refoulées dans l’intérieur des terres. Nous SUR LE H A U T - . Z A M B E Z E .


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