chemin quand Dieu t’ouvre la porte et t’appelle. » Il y avait donc un arc-en- ciel sur notre séparation, car Dieu avait exaucé nos prières. Le cher Jeàn- mairet m’a accompagné un bout de chemin, et puis, comme Serpa Pinto m’a plaisamment représenté en Europe, j ’ai continué ma route tout seul, avec un Zambézien, ma canne à la main. Aaron avait mon fusil. On m’attendait à Kazoungoula. Mais le vent soufflait si fort, que nous dûmes attendre jusqu’au soir; et encore ne fut-ce pas sans danger que nous nous accroupîmes dans nos pirogues. Nous passâmes la nuit chez l’un des deux chefs chargés de nous conduire à Séchéké. L’autre me frappait par ses manières respectueuses et prévoyantes. Chaque fois que je le regardais, je rencontrais ses yeux fixés sur moi ; il écoutait tout ce que je disais avec un singulier intérêt. C’était Mahaha, un petit chef que nous avions connu avec ma femme et nos évangélistes, dans un îlot, il y a six ans. Le digne homme nous avait reçus avec la plus grande cordialité, et il était si désireux d’entendre les choses de Dieu, qu’immédiatement après la salutation d’usage, il me demandait : « Chantez- nous donc Jésus, s Et nous avions entonné à l’unisson le cantique que nous chantions alors à toutes les étapes : A ré binéleng Yésou, Goba ké Eéna Molokil. L’impression de notre visite ét de nos chants ne s’est pas effacée chez ces gens, paraît-il. Et Mahaha, en m’en rappelant tous les petits incidents, ajoutait avec une figure radieuse et plongeant ses yeux dans les miens : « Yésou nous a bénis : nous avons eu des pluies abondantes et des récoltes splendides. Nous avions du maïs de cette hauteur ! de cette grosseur (faisant de la main un signe significatif) ! du mabélé ! du millet ! Jamais nous n’avons vu chose pareille ! » Dès qu’il avait appris notre arrivée à Léchoma, cette année, il s’était empressé d’envoyer un jeune garçon pour nous aider dans nos travaux d’installation, et, pendant mon absence, il envoyait fréquemment à ma femme du blé, du miel, etc. Aussi, jugez de son bonheur de nous escorter aujourd’hui jusqu’à Séchéké. Dieu soit loué 1 tout n’est pas mauvais au Zambèze. A Mpalira, nous rencontrâmes Makoatsa, l’ambassadeur de Khama, qu’on avait dit massacré, et qui revenait chargé de fourrures pour son maître. Là aussi se trouvaient les trois petits chefs que le roi a envoyés pour nous chercher : hommes aimables, pleins de considération pour nous et qui, d emblée, nous ont gagné le coeur. Ils se rendaient à Léchoma, où ils me savaient dé- Chantons les louanges de Jésus, Car c’est Lui notre Sauveur. tenu par la maladie de ma femme. Ils voulaient avoir la satisfaction de nous voir et de nous transmettre personnellement les messages dont ils étaient chargés pour nous. Je décidai de rester à Mpalira ce jour-là et le lendemain, qui était dimanche, afin de causer à l’aise avec eux et Makoatsa surtout, et évangéliser. Nous n’eûmes pas lieu de regretter ce délai, car nous eûmes de grandes réunions et des conversations intéressantes. A notre arrivée à Séchéké, les chefs, comme on dit vulgairement, se sont mis en quatre pour nous. On nous a donné une nouvelle hutte, spacieuse et propre; ils nous ont apporté en présents des provisions de route, et le matin et le soir ils aiment à s’assembler dans notre cour et à causer. Nous en profitons pour leur parler des choses de Dieu, au sujet desquelles ils nous font les questions les plus étranges ; pour recueillir des renseignements sur l’ethnologie, l’ethnographie, etc., et étudier la langue des ba-Rotsi. Quand j ’ai épuisé mon humeur loquace, je me mets tout simplement à lire ou à écrire, et tout est dit. On ne se lasse jamais de voir ma plume courir sur le papier. C’est merveilleux, dit-on, et on se demande quelle peut être la médecine mystérieuse qui vous initie à cet art étrange. Aaron aussi s’est mis à l’étude du sé-rotsi, et c’est à qui de nous deux fera le plus de progrès. Voyez ma prétention de lutter avec un de ces philologues africains qui semblent apprendre une langue sans y penser 1 C’est qu’ils ont une mémoire de fer : tout s’y grave et rien ne s’efface. Tout de même, je fais quelques progrès, à la grande satisfaction de mes professeurs. Que j ’en profite pour vous transmettre une petite leçon très élémentaire, mais très utile. Le nom de la tribu n’est pas du tout « ba-Rotsi », c’est le nom que lui ont donné les ma-Kololo en corrompant le vrai qui est : Moronyi, morotsi, pl. arouyi. — sé-rouyi, la langue. — bo-rouyi, l’espèce. Léalouyi — le pays, et nullement Lua-Lui, ni même Lua-Luyi, comme je l’ai écrit d’abord. La confusion qui résulte de la manie qu’ont les voyageurs d’angliciser, portugaiser, franciser les noms indigènes, est telle, dans la géographie africaine, que je suis déterminé à rendre la prononciation indigène aussi fidèlement que possible. Livingstone lui-même, que j ’admire plus que jamais depuis que j ’ai lu sa vie, est tombé dans plus d’un écart. Il avoue lui- même qu’il n’avait pas l’oreille musicale. Donc j ’écrirai Léaloayi, nous souvenant que l et r se prononcent indifféremment l’un pour l’autre. Depuis que j ’ai commencé ma lettre, on m’a apporté les trois caisses et les ballots que j ’avais laissés ici aux soins d’un excellent homme, le chef Tahalima. Quelle ne fut pas notre stupéfaction de trouver qu’on avait tout ouvert. On s’est servi libéralement de verroterie, de poudre, de calicot, de bonnets de laine rouges et noirs, etc. Le voleur s’est amusé à endosser mes chemises de laine et mes vêtements de flanelle blanche, tout couvert d’ocre et de graisse
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