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En route pour Léaouyi. — Soucis et préoccupations. — Le chef Mahaha. ■— Arrivée à Séchéké. — Le nom de la peuplade. — Photographie. — Voyage sur le Zambèze. — Les rapides de la Mort. — Ravages des ba-Rotsi. _— Les ma-Khalaka. — Les cataractes de Ngonyé. — Tombeaux de rois. — A NalolofS- La reine Maïbiba. — Arrivée à Léalouyi. — Réception officielle. — Sites offerts pour la station. — Projets d'avenir— Retour à Léchoma. — Mes impressions. Léchoma, 10 décembre i 884- Le soleil touche à l’horizon. Il y a quelques heures, nous étions tout activité, achevant nos paquets et les chargeant sur nos ânes B - ce qui n’était pas chose bien facile, car nous n’avons que deux bâts — et nos ânes sont d’une taille si minuscule qu’on ne peut leur mettre que très peu de chose sur le dos. J’ai expédié Middleton et Aaron avec nos bagages. Ils vont bivouaquer au gué de Kazoungoula, et communiquer avec les chefs chargés de nous conduire à Séchéké. Cela me permet de rester ici jusqu’au dernier moment. Après leur départ, tout est bien tranquille ici. Les derniers temps ont été pour nous des temps de visitation. La plupart des membres de l’expédition ont eu une attaque plus ou moins grave de la fièvre. Le Seigneur a voulu que nous fissions ensemble nos premières expériences de patients, de médecins et de gardes-malades. Il a voulu aussi nous demander une confiance plus entière dans son amour et dans sa puissance. Pendant trois jours ma chère femme m’a donné de l’inquiétude. Je ne savais quelle tournure prendrait la maladie. Et messages sur messages nous arrivaient de la rivière où les chefs nous attendaient ; les pauvres gens semblaient ne pas comprendre que la maladie d’une femme pût être un obstacle à mon départ, quand c’était « le roi, le roi lui-même, qui m’appelait ». Les chefs Rataou et Tahalima, Lisoane, etc., vinrent nous faire visite et manifestèrent pourtant une sympathie qui nous fit plaisir. Loin de nous obséder de leurs importunités mendicantes, ils nous témoignèrent la plus grande déférence. « Ne crois pas que nous soyons venus ici pour te presser et t’importuner. Notre mère est malade, et c’est elle que nous sommes venus voir. Soigne-la, et quand tu seras prêt à partir, tu trouveras des canots et des gens qui t’attendront au gué. » Heureusement, ma chère femme va mieux. Ne Vous étonnez-vous pas avec nous de yoir comme l’ennemi nous entrave à chaque pas et nous dispute chaque pouce du chemin que nous faisons ? Il n’est pas à bout de ressources. Les circonstances "qui ont barré notre chemin et retardé à tant de reprises notre départ de Léribé, c’étaient des épreuves de notre foi qui se sont, sous d’autres formes, renouvelées à Prétoria, et à Mangouato surtout. Ce ne devaient pas être les dernières. Nous avons passé quatre longs mois à Léchoma, quatre mois d’attente et d’espérances suivies d’amers désappointements. Au dernier moment, quand l’horizon s’éclaircit, il faut que la maladie survienne et cause de nouveaux arrêts. Je présume que ce ne sont pas là les dernières épreuves qui assailliront notre foi avant que nous soyons définitivement fixés chez les ba-Rotsi. Mais douter serait indigne de nous. Je pars l’esprit hanté de soucis et de préoccupations. Jeanmairet, par prudence, reste à Léchoma; la saison est mauvaise et Dieu a permis que ce voyage fût dépouillé de tout ce qui lé rendait attrayant, afin sans doute que nous puissions juger plus calmement des hommes et des choses. Nos délais ont déjà eu un avantage, c’est que nous avons été à même de faire bonne connaissance avec tous les chefs de ces parages. Ce sont autant d’amis pour nous. Je vous surprendrais fort si je vous faisais la confidence d’un de mes soucis. Je vais à Léalouyi comme un oiseau auquel chacun s’apprête à arracher les plumes, malgré les coups de bec et de griffes qu’il ne manquera pas de donner. Dans quel état reviendrai-je ? Dieu le sait. Les <je ce pays, dans le but unique de se faire un beau nom et de s’assurer le monopole du commerce de l’ivoire, ont prodigué leurs présents. La crainte d’une concurrence imminente et la rapacité des chefs les ont forcés de multiplier ces prodigalités. Aujourd’hui, malgré tant de ruineux sacrifices, le monopole risque de leur échapper; mais l’éducation qu’ils ont faite à la tribu va portant ses fruits amers. On ne peut attendre que les ba-Rotsi comprennent notre mission et fassent aujourd’hui une différence entre les marchands et nous. Et comme nous ne pouvons absolument pas imiter les libéralités extravagantes de ceux-ci, on nous regarde avec un certain dédain. Pour faire notre position ici, nous avons à détruire toute une longue éducation déjà montée en graine, et à lutter contre le courant de l’opinion publique. Les commencements seront durs, mais Dieu nous aidera. Séchéké, i 5 décembre. J’ai donc quitté les miens I Dieu veille sur eux ! Ma chère femme s’est montrée à la hauteur des circonstances : Dieu l’a admirablement soutenue Je devais partir une semaine plus tôt quand elle est tombée malade. « Demain j irai mieux, me disait-elle, et tu pourras partir. Je ne serai pas dans ton


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