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S - je n’ai jamais encore trouvé un imperméable qui résiste au climat d’Afrique. — Je sentis tout à coup quelque chose me tomber sur la tête. C’était une natte dont un brave garçon me couvrait à ses dépens. Il est vrai qu’il n’avait pas grands vêtements à mouiller. Tout de même cet acte de considération me fit plaisir. Deux heures ! trois heures ! quatre heures ! cinq heures ! il pleut toujours, le soleil baisse; impossible d’aller à Léchoma, impossible aussi de construire un abri pour la nuit qui approche. Et Aaron, où est-il? A la brune, nous découvrîmes un abri de branches abandonné. Tout à coup, Aaron parut sur la rive opposée — et dés que le vent eut baissé, il traversa et me rejoignit. Pauvre Aaron ! Il paraît qu’arrivé au rendez-vous, ne trouvant personne, personne ne nous ayant vus passer, il s’était imaginé que nous avions dû chavirer dans les rapides. Le pauvre homme, alors, de retourner avec Karoumba jusqu’à Mambova, longeant les rives, questionnant en vain les passants et cherchant les épaves de nos pirogues avec une anxiété qui peut mieux se comprendre que se décrire. Dieu est bon, il nous avait gardés l’un et l’autre. Léchoma, 9 décembre. i 884- Le moment que nous attendions depuis si longtemps est enfin arrivé. Un nouveau roi, Akoafonna, a été élu. C’est un jeune homme qui a grandi en exil et qui a dû d’abord agir avec, prudence et s’initier aux devoirs de sa position. Dès qu’il s’est senti établi, il a pensé à nous. Il désire nous voir même avant les chefs subalternes du pays. Deux bandes de messagers sont arrivés à Séchéké avec des messages plus pressants l’un que l’autre. Les chefs de Séchéké nous les ont transmis sans perdre de temps, et trois d’entre eux sont descendus en canot pour nous attendre au gué de Kazoungoula. Ils nous envoyaient une vingtaine de jeunes gens pour porter nos bagages. C’était trop d’honneur; les setsiba m’ont fait peur. Je les ai congédiés amicalement. Je mettrai nos paquets sur le dos de nos baudets. Ce sera plus humble et plus économique. Les chefs, ne comprenant rien à l’inutilité de leurs messages, finirent par venir eux-mêmes nous voir. C’était un acte de courage, car ils ne s’aventurent guère de ce côté-ci de la rivière, où en tout temps ils craignent les ma-Tébélé et, aujourd’hui, Robosi, qu’on dit être quelque part sur le Qouando. C’était aussi une amabilité dont nous leur savons gré. La saison n’est pas la meilleure. Nous avons des pluies presque journalières qui alternent avec un soleil ardent : puis vont arriver aussi les grandes pluies qui amènent les inondations annuelles. Un long voyage, dans de telles circonstances, et qui entraînera une absence de plus de trois mois, sans possibilité de communication aucune, est sérieux. Se reverra-t-on ? Pour ma part, j ’ai bonne confiance. D’un côté, dans notre impatience, nous avons frappé à la porte, jusqu’à l’enfoncer; d’un autre, il m’est impossible de retarder de huit à neuf mois. Le Seigneur sait tout cela; et, s’il nous donne l’ordre de partir maintenant, pourquoi hésiterions-nous ? Nous nous en tenons à notre décision antérieure. Nous ne voulons pas exposer plus d’hommes qu’il ne faut. Jeanmairet et Léfi resteront donc à Léchoma. Aaron, et Middleton à ses instances, iront avec moi. Inutile d’assurer nos amis que nous prenons nos précautions et serons prudents. Ah ! si vous saviez ce qu’on éprouve de se trouver sur le seuil de cette Afrique centrale où pas le moindre rayon de l’Evangile n’a encore pénétré ! Si les amis qui blâment notre imprudence pouvaient, même de loin, apercevoir ce que nous voyons et comprendre ce que nous sentons, ils s’étonneraient les premiers que les rachetés du Christ aient si peu de dévouement, connaissent si peu l’esprit de sacrifice. Ils seraient honteux des hésitations qui nous entravent... Elles sont assises dans les ténèbres de la mort, ces tribus innombrables dont celle des ba-Rotsi n’est que la porte; ils périssent en païens, pendant que nous avons la lumière et la vie que nous leur devons. Souve- nons-nous-en, ce n’est pas en intercédant pour le monde dans la gloire du ciel que Jésus l’a sauvé. Il s3est donné. C’est une amère ironie que nos prières pour l’évangélisation des nations aussi longtemps que nous ne savons donner que de notre superflu, et que nous reculons devant le sacrifice de nous- mêmes 1


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