nir le lendemain et les jours suivans , avec tous leurs camarades , pour faire,curée complette. J ’avois formé le projet d’y retourner comme eux , dans l ’espérance que cet immense cadavre auroit attiré quelques oiseaux de proie que je pourrois aisément me procurer. Mais au moment même où je me disposois à partir , des chants nouveaux, qui partoient de toutes parts des bords de la rivière, fixèrent entièrement mon attention ; je m’avançai sous les arbres et découvris, en effet, plusieurs oiseaux qui m’étoient jusqu’alors inconnus. C’est ainsi que, passant subitement de la chasse aux quadrupèdes à la chasse aux oiseaux, je donnois quelque repos à mon imagination fatiguée du carnage, et que je voyois diminuer, en proportion des objets, l ’horreur naturelle et le dégoût que souvent il m’inspiroit. PI us souvent je reportois mes regards sur la verdure et sur les fleurs ; et si quelqu’amertume et les regrets inséparables d’une vie errante et solitaire, venoient quelquefois me surprendre au milieu de mes fatigues, la plus humble des plantes, en fixant mes regards., en arrêtant mes.pas , me rappel - loit au doux sentiment de l’existence qu’auroit pu flétrir un si profond abandon. Je longeai la rivière et m’enfonçai dans le bois. Le succès répondit à mes espérances ; j ’abattis plusieurs espèces nouvelles d’oiseaux que je n’avois point encore trouvées. Souvent embarrassé du choix , lorsque j ’en appercevois plusieurs sur le même arbre , je ne savois auquel donner la mort ; mais le plus remarquable ou le plus beau, comme on peut le croire, attiroit toujôurs mon coup de fusil. Reposons enfin nos yeux sur un objet non moins touchant, sur des couleurs peut-être plus aimables encore. Toujours occupé d’oiseaux, de ramages mélodietfe ,. de plumages nuancés et brillans, j ’avançois au milieu de la forêt de Mimosas- Tout-à-coup je sens mon odorat frappé de parfùns exquis ; je cherche la plante ou l ’arbrisseau qui me communiquoit une si douce volupté: l’air qui m’environne me sert de guide ; plus l’odeur m’enivre , plus la fleur est voisine ; j’arrive aux bords de la rivière : saisi ■ E N A F R I Q U E . d’admiration , je m’arrête à la vue d’une plante magnifique , la plus belle que j’eusse jamais contemplée : c’étoit un lys qui avoit sept pieds de haut; j ’étois obligé de lever la tête pour admirer la sienne. Il balançoit, plein de majesté, sur sa tige flexible et laissoit échapper des flots d’encens. Dans la partie supérieure de sa tige droite et élancée se trouyoient éparses avec ordre et'grâce , trente-neuf corolles qu fleurs ; dont six un peu épanouies, dix-huit en pleine floraison , et quinze prêtes à s’entrouvrir par degrés. Celles qui étoient épanouies formoient un calice , plus grand au moins d’un tiers que celui des lys blancs d’Europe. Leurs pétales on feuilles , couvertes , à l’extérieur , d un beau gris de lin , étoient intérieurement d’un blanc de neige, bordé par un liséré cramoisi et relevé par un pistile et des étamines du carmin le plus riche. Cette tige de sept pieds avoit, dans sa plus forte épaisseur, six pouces de circonférence. Rougie du côté du soleil par la chaleur qui lui avoit donné une couleur vineuse , elle étoit verte dans le reste de son contour, et portoit des feuilles larges de trois pouces et demi sur une longueur de trois pieds. Enfin, cette plante, née dans la solitude et pure comme le soleil qui l’avoit embellie , aVoit été respectée de tous les animaux du canton et sembloit défendue par sa beauté même. Le prodige que je venois de découvrir m’avoit trop frappé pour n’en être pas occupé tout entier. Dès ce moment, tous mes projets de chasse s’évanouirent ; je fis grâce aux oiseaux que je poursuivons , et ne songeai plus qu’aux moyens de me procurer mon beau liliacé. L a chose n’étoit pas aisée. Je manquois à la fois , et d’instrumens pour le cerner et' l’enlever de terre sans qu’il fut endommage, et de corbeille ou d’autre vase de ce genre , pour l ’emporter. Aller à mes charriots chercher ce qui étoit nécessaire, c’étoit l ’abandonner; c e- toit l ’exposer peut-être au danger qu’il n’avoit point éprouve jusqu’ici. Dans cet embarras, et né voulant pas le perdre des y e u x , je pris le parti de tirer de suite plusieurs coups de fusil, afin d’ap- peller à moi quelqu’un de mes gens. Effectivement, à ce signe d’alarme , plusieurs accoururent ; ils me T a
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