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n’osions en approcher. J ’eusse pu lui épargner les tourme'ns de l ’agonie , en lui tirant une dernière balle; et c’est ce que je m’apprê- tois à faire , si mes gens, par leurs prières, ne m’en eussent.détourné. Je ne pouvois attribuer leur demande à un sentiment de pitié ; mais je n’en concevois pas le motif. J ’ai déjà dit que dans toutes les peuplades sauvages, ainsi qu’au Cap et dans les colonies, on fait un grand càs du sang desséché de rhinocéros; que le préjugé lui attribue beaucoup de vertu pour la guérison de certaines maladies, et qu’on le regarde spécialement çomme un remede souverain contre lës obstructions. On se rappelle que quand Swanepoel, enivré par Pinard, tomba sous une des roues de mon charriot et qu’il eut une côte démise et cassée , il me demanda du sang de rhinocéros. Au défaut de sang, le malheureux continua de boire de l’eau-de-vie. Il guérit par les seules forces de la nature, et il avouoit que ce dernier remède, également bon, disoit-il, et pour l ’homme sain et pour l ’homme malade , étoit préférable à l ’autre. Mais ses camarades a voient Conservé leurs préventions, et ils vouloient du sang de rhinocéros. Celui-ci en perdoit beaucoup par ses blessures. Ce n’étoit pas sans un très-grand chagrin qu’ils voyoient la terre s’en imbiber autour de lui, et ils craignoient qu’un nouveau coup de fusil n’augmentât encore cette perte. A peine l ’animal eut-il rendu le dernier soupir que tous , tant anciens que nouveaux, s’approchèrent de lui avec ardeur, dans le dessein de faire leur provision. Pour cela ils lui ouvrirent le ventre , prirent sa vessie qu’ils vuidèrent ; puis , tandis que l'un d eux en appliquoit l’ouverture à l’une des plaies, les autres remuoiënt et agi- toient une cuisse et une jambe du mort, afin de faciliter par ce mouvement la sortie du sang. Bientôt, à leur grande joie , la vessie fut pleine ; et je suis persuadé qu’avec tout ce qui fut perdu ils auroient pu en remplir vingt. Je m’étois approché aussi ’de l’animal ; mais j ’avois nn projet différent du le u r , et ne voulois que le mesurer et l’examiner. Les Sauvages de la horde, accoutumés à en voir très - fréquemment, assuroient que celui-ci étoit un des plus grands de son espèce. Pouf moi, je n’en eroyois rien; et ce qui m’autorisoit a en doutei , eest que sa principale corne n’avoit de long que dix-neuf pouces tiois lignes,, et que j ’avois vu, chez quelques colons, des cornes plus longues. Au reste , la hauteur de l ’animal étoit de sept pieds cinq pouces, et sa longueur , depuis le museau j usqu a la naissance de la queue> de onze pieds six pouces. Le docteur Spaarman a publié sur le rhinocéros d Afrique , une dissertation très-savante , aussi précieuse par l’étendue des recherches que par l’exactitude et la vérité des faits. Entreprendre de parler sur l’animal après lui, ce seroit s’exposer à des redites ou à 1 a honte d’un plagiat. Cependant, je regrette qu’un ouvrage où le rhinocéros est si bien décrit, nous en donne un dessin si fautif. Au reste , je ne parle que de la gravure qui a été publiée dans les traductions françoise et hollandoise. N’ayant point vu la relation originale en suédois, j ’ignore si on y trouve le même défaut; et c’est rlans cette incertitude que je publierai un jour le dessin de l’animal, tel que je l ’ai fait moi- même d’après nature. Dans la traduction du voyage de Bruce en Abyssinie, on voit aussi une figure du rhinocéros bicorne , mais elle est défecteuse , en ce que le traducteur lui a donné faussement les plis du rhinocéros à une corne, qu’il n’a certainement pas ; du moins dans le sud de 1 Afrique ; en auroit - il donc en Abyssinie ? C'est ce dont j ’ai très - fort lieu de douter. En parlant du Quammedaka, canton situe a l ’est de 1 Afrique méridionale , Spaarman dit que c’ est le p rin c ip a l lieu de la résidence des 'rhinocéros à d eu x cornes. Ici l’auteur s’est trompé ; mais son erreur est d’autant plus pardonnable qu’il ne l’a commise que parce qu’il n’avoit point été à portée de connoître ces contrées dont la vue rauroit mieux instruit. Il n’en est point du rhinocéros comme du tigre, du lion et des - autres carnivores qu i, vivant de proie, cherchent pour leur séjour les lieux dans lesquels on nourrit des troupeaux, ou qui ont une grande quantité d’animaux sauvages. Pour lu i, comme sa nourri


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