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est question. En conséquence , je m'abandonnai entièrement à leurs conseils et nous partîmes armés de tout lé courage nécessaire et chacun d’un bon fusil. Tous mes chasseurs voulurent être de la partie, et chacun se proposoit les plus grandes prouesses. Je fis mener en lesse deux de mes forts chiens pour les lâcher au besoin sur les rhinocéros. Nous fumes obligés de faire un très - grand détour, afin de prendre le dessous du Yent, de peur d’en être éventés, et nous gagnâmes la rivière dont nous suivîmes le cours à l ’abri dés grands arbres qui la bordoient, et bientôt Klaas nous fit apperce- vo ir , à un demi-quart de lieue dans la plaine, les deux animaux. L ’un d’eüx étant beaucoup plus gros que l ’autre, je les crus mâle et femelle. Du reste , immobiles l ’un à côté de l ’autre , ils gar- doient encore la même posture que quand Klaas les a voit apperçus pour la première fois ; mais ils portaient le nez au vent, et par conséquent nous présentaient la croupe. C’est la coutume de ces quadrupèdes , quand ils sont ainsi arrêtés, de se placer dans la direction du vent, afin d’être avertis, par l ’odorat, des ennemis qu’ils ont à craindre. Seulement alors ils détournent de tems en tems la tête, pour jetterun coup-d’oeil en arrière et veiller de toutes parts à leur sûreté ; mais ce n’est vraiment qu’un coup - d’oeil et l’affaire d’un instant. ' Déj a nous raisonnions sur les dispositions à faire pour entreprendre notre attaque, et je donnois en conséquence quelques ordres à ma troupe, quand Jon k e r, l’un de mes Hottentûts, me demanda de le laisser seul attaquer les deux bêtes, comme bekrwyper. Mes lecteurs se rappelleront ici le nom de ce Jonker qui, quand je fis la folie de vouloir traverser, sur un tronc d’arbre , l’embouchure de la Rivière des Eléphans, fut un des nageurs auxquels je dus la vie. Pour récompense, je l’élevai, d’après la demande de ses camarades , au grade de chasseur. Il était fort novice alors dans cet exercice } mais j ’ai déjà remarqué qu’il devint par la suite un tireur très-adroit, et qu’il parvint sur-tout à exceller, par-dessus tous ses camarades, dans l’art de traîner. J ’ai déjà dit que la chasse en Afrique ne ressemble point à celle d’Europe ; que pour se mettre à portée de tirer certains animaux farouches , il faut en approcher san$fcptre apperçu , et qu’on ne peut les approcher qu’en se traînant sur le ventre jusqu’à eux. Les gens qui ont ce talent s’appellent bekrwypers (traîneurs) ; et c’est en cette qualité que Jonker me demandoit d’aller attaquer seul les deux rhinocéros , m’assurant qu’il s’en tireroit à ma satisfaction. Comme son offre nenousempêchoitpoint d’exécuter nos projets , et que dans le cas où son attaque particulière ne réussit pas, -elle ne nuisoit nullement à notre attaque générale, je le laissai faire. Il se mit tout nu , et partit, en emportant son fusil et rampant sur le ventre comme un serpent. Pendant ce tems , j ’indiquai à mes chasseurs les différens postes qu’ils devoient occuper. Ils s’y rendirent par des détours ; chacun d’eux ayant deux hommes avec lui. M o i, je restai au lieu où je me trouvois, avec'deux Hottentots, dont l ’un gardoit mon cheval , tandis que l’autre tenoit les chiens ; mais pour n’être point en vu e , nous nous cachâmes derrière un buisson. J ’avois en main une de ces lorgnettes de spectacle, qui souvent m’avoit servi à étudier le jeu des machines et l ’effet de nos décorations de théâtre. Que les objets étaient changés ! en ce moment elle rapprochoit de moi deux monstres épouvantables, qui par fois tournoient dé mon côté leur tête hideuse. Bientôt leurs mouvemens d’observation et de crainte commencèrent à devenir plus fréquens j et je craignois qu’ils n’eussent entendu l ’agitation de mes chiens qui, les ayant apperçus, faisoient tous leurs efforts pour échapper à leur gardien et s’élancer contre eux. Jon k e r, de son côté, avançoit toujours, quoique lentement ; mais toujours il avoit les yeux fixés sur les deux animaux. Leur voyoit-il tourner la tête , à l’instant il restait immobile et sans mouvement. On eût dit un éclat de roche ; et moi-même j ’y étais trompé. Son traînage, avec toutes ses interruptions, dura plus d’une heure. Enfin, je le vis se diriger vers une grosse touffe d’euphorbes qui formoitun buisson et qui se trouvoit à deux cents pas au plus des rhinocéros. Arrivé l à , et sûr de pouvoir s’y cacher sans être vu S a


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