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C’est un âne sauvage; car.au lieu d’une robe rayée , comme le zèbre, la sienne est d’une seule e i même couleur, et de teinte Isabelle. Du reste, nul animal peut-être , dans l’AfHque entière , n’est aussi défiant, aussi farouche et aussi sâuvage que celui-ci. De tout côté, il se montroit par troupes; et jamais je n’ai pu en approcher un d’assez près pour être à portée de le tirer. Si j ’en ai eu une peau en ma possession, c’est que j ’ai trouvé à l’acheter dans une horde où il servait à couvrir une. hutte de Sauvage. Voilà donc trois espèces d’ânes très-distinctes, dans la partie sud de l ’Afrique ; savoir, le zèbre, le kwagga et cet âne sans taches ni raies dont il est ici question. Au Cap, le zèbre est connu sous le nom de streep-ezel ( âne rayé Y* et le kwagga , sous celui de wilde-paerd (cheval sauvage). Dans les colonies, on confond quelquefois les deux noms et les deux animaux; ce qui , en histoire naturelle , peut occasionner des erreurs et ce qui en a réellement produit', puisque souvent on a donné lé kwagga pour la femelle du zèbre. Mais très-cërtainement le zèbre et le kwagga sont deux, espèces séparées qui, vivant dans le même caiton , ne se mêlent pas: plus ensemble qu’avec les troupes de gazelles qui habitent, le même pays qu’eux. Vosmaer, qui n’a point voyagé en Afrique, et qui par conséquent n’a pu connoître et décrire le kwagga que d’après des relations étrangères; Vosmaer prétend que:c’est un métis du zèbre et du cheval sauvage; On a , je crois, en Europe de fausses idées sur les nombreux et prétendus métis des pays déserts. On croit que rien n’y est plus commun ; et certes c’est-là une grande erreur. Büffon lui-même, convaincu de leur! multiplication dans l’Afrique y et cherchant à en expliquer la cause , l’attribue à la'chaleur du climat , qui, rendant les sources rares et mettant quelquefois des animaux d’espèces différentes dans le cas de , venir à lîeau au même moment, favorise des accouplemens bisarres. A de pareilles assertions,! on reconnaît des théories de cabinet. Un naturaliste qui aura voyagé se gardera bien de les avancer ; l ’expérience lui apprendra combien l’animal sauvage diffère, sur ses appétis de reproduction, de l ’animal domestique. La domesticité est un état de servitude et de dégradation dans lequel l’individu et même l’espèce dégénèrent plus ou moins. Altéré ainsi dans son instinct originel, on échauffe à dessein l’animal par des nourritures particulières ; on le sépare des femelles ou des mâles de son espèce ; on lui en donne d’autres ; et on le force à produire des monstres, qui-, dans la nature , ne sont qu’un désordre. Je dis désordre , parce qu’étant inféconds , ils contrarient la loi qu’elle impose à tous les êtres de se reproduire. Dans l’état sauvage, l’individu libre suit invariablement ces loix ; il s’accouple avee ceux de son espèce, et jamais avec d’autres. '' Si dans nos faisanderies nous voyons annuellement le faisan produire avec des races qui ne sont point la sienne ; si dans nos volières le serin produit avec le tarin, la linotte et le chardonneret, c’est qu’on les y force, en lès séparant de leurs femelles et en leur en donnant d’étrangères : encore n’y parvient-on que quand ces oiseaux ont été , eii quelque sorte, naturalisés chez nous. Vainement on tenterait l’expérience, ou au moins elle réussiroit bien plus difficilement sur le véritable serin de Canarie, sur celui qui arriverait en Europe avec les habitudes et l’instinct de son pays natal. Temminck, mon ami, a , depuis de longues années, à Amsterdam , une -immense volière où il nourrit toutes sortes d’oiseaux rares et étrangers. La plupart y multiplient en liberté ; et jusqu’à présent encore aucun ne lui a donné un métis. La servitude dans laquelle vit un animal domestique, la nourriture à laquelle on l’astreint, l’éducation qu’on lui donne, altèrent et modifient sa nature. En vivant avec nous , il semble , pour ainsi dire, sé corrompre et prendre nos vices. Au moins c’est ce que nous voyons dans les chiens, les chevaux, etc., que nous élevons autour de nous. On m’a assuré avoir vu à Paris, dans la rue Croix-des- Petits-Champs, chez un tapissier, un chien produire' avec une chatte , des métis qui ont vécu. Si ces animanx avoient été élevés dans une forêt, ils se seroient dévorés plutôt l’un l’autre que de s’ accoupler.


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