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10 6 V O Y A G E combien les préventions de l’ignorance sont extravagantes et même contradictoires, c’est que les femmes, en pareils cas, ne se lient ni se bouchent aucune partie du corps, quelqu’accès qu’elles paraissent offrir à l’élément liquide. D’après ce que j ’ai dit du caractère flegmatique du Namaquois , on se doute bien que ce peuple n’est nullement guerrier. Cependant 11 a , ainsi que les nations qui l’entourent, un sagaie et des fléchés empoisonnées ; et, comme elles , il sait très-bien manier ces armés. Il possède des boeufs de. guerre , si redoutables dans les combats et si favorables à la lâcheté ou à l ’inaction du combattant. Il s’est même\fait une arme particulière que n’ont point ses'voisins : c’est un grand bouclier de sa hauteur, et derrière lequel il peut se cacher tout entier. Mais , outre que son apathie naturelle l’empêche d’offenser et de se croire offensé, il est réellement, par, la froideur de son caractère, pusillanime et' poltron. Pour le faire trembler, il suffit de prononcer devant lui le seul nom d’Houzouana. Ce nom est celui d’un peuple voisin, né brave et guerrier, et distingué des autres nations africaines, par des traits particuliers. J ’aurai lieu d’en parler bientôt. Malgré sa froideur , le Namaquois n’est pourtant pas insensible aux plaisirs. Il cherche même avec quelque émpressement ceux qui, sans lui donner beaucoup de peine , peuvent le secouer et lui procurer des sensations agréables. Tous les soirs, des qu on avoit allume le feu de mon camp, je voyois arriver trente ou quarante personnes-, hommes et femmes, qui se mêlant avec mes gens s’asseyoient en cercle autour du feu. L à , pendant quelque tems, on gardoit un profond silence' : enfin, quelqu’un prenoit la parole ; il racontoit une histoire, et parloit pendant des heures entières. Je ne savois pas assez bien la langue pour suivre en entier ce récit; cependant je voyois qu’il s’agissoit ordinairement d’un événement à l’honneur de la nation , et que le héros malheureux de l ’aventure étoit presque toujours une hienne, un lion, ou même un Houzouana. De tems en tems l ’orateur étoit interrompu par les éclats immodérés des femmes, qui rioient à gorge déployée. Les hommes , sans participer en rien à cette gaieté folle , raisonnoient gravement èt avec l ’apparence de la profondeur sur les détails qu ils venoient d’entendre. Pour moi, au milieu de ces tableaux disparates et grotesques, je m’amusois de la morgue des raisonneurs; et les femmes qui me voyoient rire et qui savoient que je ne com- prenois rien à la narration , redoubloient d’éclats et rioient à per- cLrc îialciu© • Leurs instrumens de musique sont les mêmes que ceux des autres Hottentots, mais leur danse est bien différénte, et tient du naturel de la nation. Si notre visage a reçu de la nature des traits qui peuvent exprimer nos passions, notre corps a aussi des attitudes èt des mouvemens qui peignent nos affections et notre caractère. L a danse du Namaquois est froide comme lui. Il n’y met ni joie ni gra*, ces ; et sans l’excessive gaieté des femmes, ce seroit la danse des morts. Ces tortues, pour qui la danse est une fatigue, ne montrent guère d’ardeur, que pour les gageures, les jeux de combinaison et de hasard, et tous les exercices sédentaires qui exigent une patience et des réflexions, dont ils sont plus capables que de mouvement. Un de leurs jeux favoris est celui qu’ils appellent le tigre e t les agneaux. Voici à peu près en quoi il consiste.. Je dis à peu près, car je ne l ’ai jamais assez compris pour pouvoir l’expliquer clairement. On trace sur la terre un carré long, et l’on y creuse une certaine quantité de trous, profonds de deux à trois pouces ; ce qui forme une sorte d’échiquier. Les trous se font par rangées les uns à côté des autres, mais le nombre n’en est point fixé. J ’en ai vu depuis vingt jusqu’a quarante. Pour jouer le jeu , on a", selon le nombre des trous, un nombre déterminé de crottins de brébis, durcis par le dessèchement, et qui représentent les agneaux. Quelques-uns des trous portent le nom d’agneaux également, et l ’on y met les boules. Ceux qui restent vides sont appellés tigres. Peut-être même ne représentent-ils que différens repaires du même animal, et des retraites ou embusca- O %


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