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Baster, qui, ne dans les environs de l’Orange , pouvoit avoir sur ce peuple quelques connoissances certaines. Selon lui, les pères, pour montrer qu’elle affection ils portent à leurs enfans, nourrissent d’une manière particulière leur aîné, comme devant être le premier objet de la tendressse paternelle. Pour .cela, ils le mettent, pour ainsi dire, en mue; ils l ’enferment dans une fosse, faite sous leur liuttè, où,, privé de mouvement,, il perd peu par la transpiration; et là , ils le nourrissent et l ’empâtent, en quelque façon, avec de la graisse et du lait. Peu à peu l’enfant s’engraisse ; il enfle comme un tonneau ; enfin , quand il en est venu au point de ne pouvoir plus marcher et de plier sous son propre poids, les parens l ’exposent à l ’admiration de la horde, qui , dès ce moment, conçoit plus ou moins d’estime et de considération pour la famille, selon que le monstre a plus ou moins de rotondité.. Tel étoit le récit que m’avoit fait Klaas Baster ; et quoique tout me parût invraisemblable , cependant le narrateur y.ajoutoit tant de circonstances et de détails , dont il prétendoit avoir été le témoin o o culaire; il avoit si peu d’intérêt à me tromper ; enfin l ’esprit humain, chez des nations grossières et ignorantes , montre quelquefois des préventions et des coutumes, s i . insensées, que , malgré ma repugance, je m’é.tois vu forcé de croire à celle-ci. Bientôt je fus désabusé ; par-tout où je fis des questions à ce suje t, je vis qu’on étoit prêt de me rire au nez. Cependant, comme il me paroissoit incroyable qu’un homme qui disoit avoir vu , n’eût pgs vu reellement; • comme il etoit possible que, sans être vraie dans tous ses détails , la fable néanmoins eût quelque fondement, je voulus me convaincre par moi-même de ce qui pouvoit y avoir donné fieu, et chaque fois que je yisitois une horde, j’avois soin, sous différens prétextes , d’examiner, l ’une après l’autre , toutes les huttes du kraal, et de demander quel étoit l ’aîné de- la famille; mais nulle part je ne vis rien qui annonçât, ni cette prétendue mue, ni ce prétendu empâtement, dont on m’avoit parlé. Il est probable qu’un pareil conte avoit pris naissance chez les Colons situes dans, lé Namero et dans le voisinage du Namaquois ; que c’étoit une plaisanterie faite par quelque bel esprit du lieu , sur la maigreur de ces peuples, qui eu effet est excessive ; et que Klaas Baster , fils d’une Hottentotte et d’un Colon , en ayant été imbu dès son enfance,» avoit fini , comme tous les menteurs, par assurer avoir vu ce qu’ilme faisoit que répéter . C’est ainsi que,,dans toute la colonie du Cap , les Colons et même les Hottentots, vous assurent que dans les hordes sauvages, on pratique l’aspersion d'urine dans les cérémonies dé mariage. Je donne ici la figure de deux Grands Namaquois, homme et femme. La première est celle du chef, dessiné d’après nature , dans Une dè ces séances qu’il venoit passer près dé moi pour fumer une pipe. J ’y aVois joint le portrait de l’une de ses femiîles ; mais c e : portrait s’est perdu je ne sais comment dans mon retour en Europe.- A son défaut, j ’en substitue un autre; celui d’une femme, qui, depuis long-tems m’avoit tourmenté pour que je lui fisse aussi son1 portrait , et qu’effectivement jè dessinai pour m’amuser. Je crois1 devoir en prévenir mes lecteurs , afin qu’ils ne jugent pas des Nama- quoisês par les traits de celle que je leur présente. C’est une des plus ■ laides de la horde;, et elles sont généralement mieux que Celle-ci,» on pourroit même dire jolies quand elles sont jeunes. La taille des Grands Namaquois, est plus haute que celle des au-- très peuplades hottentottes ; ils paraissent même plus grands que les Gonaquois , quoique peut-être ils ne les soient pas réellement. Mais leurs os plus petits , leur air fluet, leur taille efflanquée , lëurs jambes minces et grêles ; tout enfin , jusqu’à leurs longs manteaux peu épais, qui, des épaules descendent jusqu’à terre, contribuent à l ’illusion. A vo ir ces corps effilés comme des tiges d’arbres,,on dirait des hommes passés à la filière. Moins foncésren couleur que les Cafffes, ils ont un visage plus- agréable que les autres Hottentots, parcêque le nez est moins écrasé,, et la pomette des joues moins proéminente. Mais leur physionomie froide et sans traits, leur air phlegmatique et impassible, leur donne un caractère particulier auquel on les distingue. Toutes les fois que' je les regardois., je croyois voir une de ces figures gothiques ,, à la 1


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