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connoissances physiques, enfin, une niasse d’idées et de réflexions qui jamais ne peut approcher de son entendement obtus. Oublions, pour un moment, les lumières de notre éducation;, supposons nous, comme lu i,, profondément ignorans, n’ayant pas la moindre idée d’une lunette, et alors nous comprendrons quelle dût être son admiration quand il apperçût si près de lui une hutte,. à l’entrée de laquelle jouoient deux petits enfans. Son étonnement fut tel qu’il tressaillit de joie et que tous ses muscles se contractèrent à la fois. Sans déplacer son oeil de l’pceulaire , il allongeoit la main vers le bout du tube, comme pour toucher ce qu’il voyoit.. Enfin, malgré tou%,ces tatonnemens, ne les trouvant point, il quitta l ’instrument et fût bien surpris de ne plus les voir où il les Croyoit : il demande à ses camarades s’ils sont retournés à leur place. En vain , ils lui répondent 'qu’on ne les a point vus ; fi ne veut pas les croire5 il montre du doigt la place où ils étoiént : c’est là , là , dit-il. Plus on s’obstine à le désabuser, plus on le dépite, et la scène finit presque par une dispute. Parmi les creStures humaines que la nature a gratifiées d’une dose plus ou‘moins forte d’intelligence, la nation hottentotte, considérée dans ses différentes peuplades, est une des ptus mal partagées. C’est avec cette foible portion de lumières que raisonnoit le ’ Namaquois. Et sans y rien comprendre , quelques efforts que j'eusse faits pour rendre sensible à sa raison mon expérience, il [donnoit à ma lunette le pouvoir d’attirer à elle tous lès objets. Au reste, son explication, son enthousiasmé, sa colère même, avoient excité la curiosité de ses camarades : tous voûtaient venir à ma lunette , et je me prêtoîs à leur empressement ; mais en changeant de^ems en tems, sans qu’ils s’en doutassent, la direction du tube. Ce qu’ils voyoient les ravissoit de plaisir ; c’étoit un enchantement général. Mais les uns, voyant s’approcher des arbres, les autres une montagne ¿ ‘ceux-ci des oiseaux volans, ceux-là dés troupeaux tout entiers, etc., on imagine quelle confusion deVoit résulter de leurs transports ; comme fis se disputoient sur les objéts qu’ils avoient apperçus si près d’eux, et combien toute cette discordance m’amusoit. Cette comédie dura jusqu’au soir ; mais ce fut pour moi un divertissement instructif’, e.t il me montra ce que les charlatans les moins habiles ont pu établir d’ascendant sur des peuples aussi neufs que celui-ci, lorsqu’ils en ont fait la découverte. Tout ceci m’attira dans la matinée du lendemain,'d’autres visites encore, de la part de ceux qui n’avoient pu venir la veille. De ce nombre étoit le chef, avec ses deux femmes. J ’étois déjà pour l ’une des deux une ancienne connoissance, aussi me fit-elle beam- eoup de caresses. Elle étoit accompagnée de deux de ses enfans, gai;* çon et fille , âgés de quatre ans et jumeaux. Dans une couche précë* dente, elle avoit eu deux jumeaux encore, qui vivoient ainsi que ceux-ci, et elle se flattoit d’en avoir deux autres à la troisième couche. Je fis servir au chef et à ses épouses un déjeûné hollandois à la manière du Cap, c’est-à-dire, du bon tabac et de l’eau de vie : après quoi il me demandèrent à voir ma lunette et à admirer les merveilles qu’ils en avoient ouï raconter. Je la plaçai comme la veille sur son pivôt | mais à peine avoient-ils vu un objet qu’ils me prioient d’en amener un autre; ne doutant pas, comme je l ’ai dit plus haut, qu’elle n’eût la vertu dé les faire arriver à ma volonté. Après leur départ, les gens de la horde se présentèrent à leur tou* et me firent les mêmes prières ; mais ce jeu étoit bon pour quelques instans : à force d’être répété, il eût fini par m’ennuyer, et ce fut pour éviter ce dénouement que j ’y renonçai. Cependant, afin de satisfaire les curieux, je laissai pendant tout le jour la lunette en place, mais j ’eus soin d’en confier la garde à l’un de mes Hottentots , avec la charge d’empêcher qu’on y touchât, et qu’on la dérangeât en rien. En entrant dans la contrée des Namaquois, mon intention étoit sur-tout de vérifier tout ce qu’on en dit au Cap. Que de contes n’a- vois-je pas entendus faire sur cette nation ! Que de choses merveilleuses sur ses moeurs , ses. arts , ses trésors, etc. ! Déjà mon lecteur N a


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