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dé m’associer un tel homme, dont je ne devois attendre que des chagrins'; tandis que je renonçois volontairement à des sociétés agréables, qui après tout n’avoient à me faire craindre que l ’incertitude d’uu péril. Il est v ra i, que je ne l’avois pris avec moi que pour l ’éloignèr de mon camp, parce que je le croyois moins redoutable lorsqu’il se- roit sous mes yeux. Mais on n’échappe point à sa destinée. Ce mé- chant homme paroissoit m’avoir été envoyé par le sort, pour déconcerter mes projets. On verra jusqu’où sa vengeance a pu se porter envers moi, qui pouvois et ne voulus pas y mettre'fin d’un seul coup. Il etoit à croire, que le traitement barbare' qu’avoit essuyé lu vieux Caminouquois, dèvoit avoir révolté ses camarades, et que dans la crainte d en essuyer de semblables, ils se retireroiènt chez eux. En conséquence je m’attendois à les voir arriver, au lever du soleil, pour m’annoncer leur départ ; mais je m’apperçus avec plaisir que, loin de montrer du ressentiment, ils vinrent me remercier d’avoir défendu et sauvé la vie à l ’un de leurs frères, et m’assurèrent qu ils étoient prêts à me suivre par tout où je les conduirais. Ces protestations d attachement me firent dans la circonstance un grand plaisir. Je repris ma route aussi-tôt; et me dirigeant nord- est, pour n’avoir pas à suivre les sinuosités du D ray , nous arrivâmes quatre lieues plus loin, à un coude de cette rivière, où nous fîmes halte au milieu des éléphans et des buffles. Je dis au milieu ; car ces animaux y étoient si nombreux et si peu farouches , que de toutes parts nous en étions entourés. L ’après-dînée nous fîmes encore quatre lieues, dans la direction nord-est, afin de m’éloigner tout-à-fàit de la rivière, et nous vînmes camper près d’un ruisseau qui, comme elle, étoit à sec, mais qui, comme elle, avoit encore quelques amas d’eau'dans certains bas- fonds. Ces réservoirs au milieu d’un désert aride avoient, je crois, attiré la tous les monstres de l ’Afrique; aussi ai-je eu, dans tous mes voyages, peu de nuits aussi orageuses que celle-ci. De tous côtés nouS entendions les bêtes féroces, et surtout les lions, crier et rugir d’une manière épouventable. Il y eut particulièrement plusieurs de ces derniers qui, pendant toute la nuit, vinrent roder autour de mon camp et remplir d’effroi mes gens et mes animaux : ni nos feu x , ni nos mousquèteries ne purent les éloigner ; ils répondaient avec une sorte de fureur aux rugissemens de ceux des environs, et sembloient lès appeller au carnage et à une attaque faite en force. Enfin cependant, le jour nous en délivra; et comme j ’avois remarqué que c’étoit principalement du nord-ouest que venoit le bruit des animaux, je voulus les éviter; e t , changeant de route, je tirai y ers. le nord-est. Au débouquement d’une gorge , nous entrâmes dans un canton qui étoit couvert de plusieurs troupeaux ; mais .à notre aspect les gardiens, rassemblant leurs bêtes, s’enfuirent avec elles à toutes jambes. En vain nous cherchions à les rassurer par des signes d’amitié ; enveloppés dans les nuages de poussière qù’élevoit leur fuite , ils ne ponvoient nous apercevoir ; et j ’avois à craindre qu’ils n’allassent jetter l ’allarme dans leur kraal, et y causer le même effroi. Pour prévenir cet effet funeste , je fis monter Klaas à cheval, et l ’envoyai après eu x , suivi de ces Namaquois qu i, depuis la dernière horde que j ’avois visitée m’accompagnoient fidellement, et qui étant leur voisins et parlant la même langue, pou voient plus que personne les rassurer. Ceux-ci prétendoient que cette démarche n’étoit point nécessaire; mais j ’avois pour système que jamais je ne pourrois prendre trop de précautions, et ne voulois nie présenter nulle part qu’en ami. Klaas; après avoir; par le moyen des Namaquois, rassuré les fuyards, étoit allé avec eux jusqu’à leur kraal prévenir de mon arrivée la horde; et bientôt je le vis paraître environné d’une cinquantaine de Sanvages, tous sans armes, en signe de confiance et d’amitié. Ils avoient parmi eux leur chef qui, à son visage me parût malade et qui me fit comprendre effectivement, qu’il languissoit depuis long-tems d’une dissenterie. Sa maladie ne l ’empêchâ point d’accepter, avec de grands signes


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