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72 V O Y A G E caution, en tenant mon second tout prêt. Mais quelle fut ma peine, quand, au lieu d’un tigre, je trouvai l’une de mes chèvres blessée à mort et rendant les derniers soupirs. Heureusement cette1 méprise douloureuse fut compensée, à l ’instant même, par une découverte agréable. Tandis que j’entrouvrois le buisson pour en tirer la chèvre blessée, j ’en vis sortir l’autre, avec ■deux petits chevreaux qu’elle étoit venue, la veille, y mettre bas. i>ans moi,'dès le soir même, ils eussent été, à leur, tour, dévorés tous trdisj'‘èt c'ette idée me les rendoit plus chers encore. Je pris sous chacun de mee bras un des nouveaux-nés ; et suivi de la mère qui marchoit sur mes pas en bêlant, je vins les déposer au camp et les; joindre au troupeau. Le soir, ceux de mes Hottentots qui pendant le jour avoient été de faction dahs la campagne pour la garde de mes bestiaux, étant revenus, après avoir été relevés pour Ja nuit, ils.m’apprirent qu’A- dam, au moment de sa fuite, étoit venu se réfugier auprès d ’eux dans leurs huttes; qu’il étoit bien affligé de sa sottise; mais, que, n’osant ni se rapprocher du camp ni demander grâce, parce qu’il étoit convaincu que j ’avois voulu le tuer, il les avoit priés d’engager Klaas à aller le voir. Ce désir de parler à un homme qui avoit et qui méritoit toute ma confiance, annonçoit que le fugitif cherchoit à se procurer auprès de moi un intercesseur. Mais, pour l ’exemple, je navois garde de lui accorder sitôt et si facilement son pardon ; et en permettant à Klaas d’aller le voir le lendemain matin, j ’endoctrinai celui-ci sur ce qu’il avoit à dire , tant pendant son message qu’après. Tous mes gens attendirent son retour avec impatience. Dès qu’il parut, ils coururent au-devant de lui, pour le prier d’interposer auprès de moi ses bons offices en faveur de leur camarade ; et quand il entra dans ma tente, ils s’en approchèrent, afin d’entendre ce que j ’allois répondre. Klaas me parla beaucoup du repentir d Adam. 11 m’assura l ’avoir laissé dans la désolation et les larmes. «Mais, « maître, vous oublierez sa faute, ajouta-t-il; et moi-même, comme E N A F R I Q U E. 73 « me vous allez partir, je lui ai fait espérer qu à ma sollicitation ¿ vous lui ferez grâce et que vous l’emmenerez avec vous dans votre « ’ voyage:». Ma réponse étoit concertée d’avance avec Klaas. J ’affectai un ton de fierté qu’en ce moment rendoit nécessaire la présence de ceux qui m’écoutoient ; et blâmant Klaas d’avoir excédé ses pouvoirs en promettant ce que je ne voulois point lui accorder : «Non , luidis- « je , Adam ne m’accompagnera plus, il a manqué à tous ses de- « voirs; je ne veux plus entendre parler de lu i; je déclaré mémo « que si parmi ceux que-j’estimerai assez pour les admettre à me « suivre, quelqu’un, s’avisoit jamais de prononcer son nom, àlins-* « tant je le chasse irrémissiblement, en quelque lieu que ce puisse « être. Cependant je ne veux point abandonner C£ malheureux au « milieu des déserts ; qu’il revienne dans mon camp auprès de Swa- « nepoel». Je lui permets d’y rester jusqu’à mon retour. Ce discours fit, sur céux qui l’entendoient, tout l’effet que je m’en étois promis. Ces mêmes gens-qui la veille vouloient tous me quitter, parce que je leur annonçois un voyage nouveau, en ce moment n’ambitionnèrent plus qu’à l’honneur d’être de ce voyage. Tous me demandèrent à me suivre ; c’étoit à qui obtiendrait la préférence , et on la sollicitoit avec empressement, comme une grâce. Pour ne point laisser refroidir ce zèle si ardent, je fixai mon départ au surlendemain, 14 décembre. Mais en même tems, pour donner à Klaas, une certaine considération parmi ses camarades et le récompenser de la fidélité constante qu’il m’avoit toujours montrée, je le laissai maître du choix, et annonçai que je prendrais ceux dont lui-même il me repondroit. Cependant, ne voulant point m’embarrasser de trop de monde, je résolus de ne prendre que la moitié de ma troupe, et crus que l ’autre moitié suffirait pendant mon absence, pour garder mon camp. Quoique Bernfry eût dû m’inspirer de la défiance par ce train de jolies filles de Boschjesrnan, qu’il avoit dans le nombre de ses maîtresses, je ne soupçonnois point alors, ainsi que je 1 ai déjà d it , ses liaisons avec ces brigands. J ’ignorois, qu’associé avec eux, il Tome I I . ^


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