se répandit dans tout mon camp, et le coupable s’enfuit à toutes jambes ; il couroit comme si le vent l’eût emporté ; de sorte qu’en un instant il fut hors de notre vue. Ce coup de parti hâtoit le moment d’une révolution qui pouvoit devenir générale, et j ’eus lieu de le craindre, immédiatement après, en voyant chacun partir de son côté et se répandre dans la campagne. Je me trompois. L ’exemple de sévérité dont ils venoient d’être témoins, leur en avoit imposé. Klaas m’assura qu’ils alloient chercher les bêtes perdues j et en effet, lorsqu’ils revinrent le soir sans les avoir retrouvées, il vint m’avertir que tous étoient fort inquiets sur les suites de ma colère, et qu’ils craignoient que je n’attribuasse à négligence et à mauvaise volonté l'inutilité de leurs recherches. Ce retour m’affecta p eu , et j ’eusse vu d’un oeil tranquille leur éloignement. Sûr que Klaas et Swanepoel ne me quitteraient ja mais ; sûr de m’être fait des amis parmi les Sauvages que je venois de visiter ; tout m’annonçoit que je pourrais continuer mon voyage , et que j ’allois trouver, soit chez les Namaquois, soit dans la horde Caminouquoise, de nouveaux associés qui se feroient un plaisir de se mettre à mon service, et qui au moins m’aideraient à trouver une escorte de horde en horde. Certainement ces nouveaux compagnons m’eussent été, et plus utiles, et à coup sûr moins coûteux que cette race indolente de Hot- tentots, qui, comme je l ’ai dit plus haut, ne sont bons que dans les colonies, et qui ne savent servir qu’autant qu’on ne les laisse manquer ni de tabac, ni d’eau-de-vie, ni de graisse. Dans ma colère , j ’avois permis à ceux-ci de me quitter ;.et je les aurais chassés sans retour, comme ils le méritoient, si j ’avois pu prévoir qu’en continuant ma route je rencontrerais une nation guerrière, infatigable , active, industrieuse et sobre, composée enfin d’hommes tels qu’il m’en falloit pour me seconder dans l’entreprise hardie que j ’avois formée et pour m’aider à surmonter les obstacles de tout genre qui m’attendoient. J ’ai connu, trop tard pour moi, cette race d’êtres privilégiés, dignes de concourir au succès d’un voyage ên Afrique. A la vérité, la fortune parut quelquefois favoriser mon audace ; mais bien plus souvent encore elle m’a. contrarié , et les fausses combinaisons d’une première tentative n’ont que trop secondé sa marche en ruinant les espérances que de loin en loin elle sembloit m’offrir comme à travers d’épais nuages. Il en fut du soulèvement de mes gens comme de toutes les émeut e s populaires.'Violent, mais court, la nuit le calma entièrement. A mon r.eveil, j e trouvai tout le monde soumis ,et tranquille ; et mon confident m’apprit que l ’on se proposoit. de venir me demander l ’oubli de ce qui s’étoit passé, et la grâce des femmes. Depuis long-tems l’expérience m’avoit appris combien il est hasardeux d’attaquer trop brusquement certains abus ; et celui-ci étoit de ce- nombre. Ma faute étoit de ne m’y être point opposé dès sa naissance, au moment où Klaas Baster et quelques-uns de ses camarades avoient loué des femmes à Bernfry. U m’eût été. facile alors d’arrêter un mal qui n’étoit encore que celui d’un très-petit nombre de coupables. Mais à présent que le désordre étoit la faute de tous, je crus plus prudent de le tolérer ; et en conséquence je consentis à ce que les femmes restassent; mais j ’eus soin d ajouter que si quelqu’un manquoit en la moindre chose à Son devoir le plus rigoureux, à l ’instant mêmë je chasserais la sienne. Ces réflexions affligeantes m’ayant donné quelque mélancolie, j ’allai chercher â me distraire sur les bords de la rivière, et j ’y trouvai fort près de nous, ce qu’on avoit cherché bien loin, mes trois bêtes égarées. Le mouton avoit été dévoré par un tigre; il n’en restoit plus que quelques lambeaux. En suivant les traces du carnivore, j ’apperçus, à quelque distance plus loin, un buisson dont les branches étoient agitées intérieurement, comme siijn animal y étoit caché. Je soupçonnai que ce mouvement pouvoit être l’effet du tigre qui s’étoit retiré là , pour revenir pëndant la nuit achever sa proie. Dans cette idée j ’armai mon fusil de deux balles, et après avoir tiré mon premier coup à travers le buisson, je m’avançai avec pré
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