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capables de tous les crimes, soit distraction, soit confiance dans ma petite année, il ne me vint point à l’esprit de les soupçonner de celui-ci. Et quant a la visite des Boschjesman, elle ne me parut pas allarmante, parce que ces voleurs n’attaquent jamais qu’à coup sur, et qu ils ne craignent rien tant au monde que les armes à.feu. Outre Moodel, j avois trouvé, à mon arrivée, beaucoup d’autres visages inconnus. C’étoient des femmes que mes Hottentots avoient appellées près d’eux et qu’il me fàlloit nourrir, pour le plaisir de ces messieurs. Chacun avoit la sienne, ou plutôt il y en avoit de quoi suffire à leur rechange ; et plusieurs même , à l’exemple de Bernfry, s’en etoient approprié jusqu’à trois. Ce désordre en avoit produit nécessairement d’autres. Le service ne se faisoit plus qu’avec une négligence extrême. On se relâchoit«ur tout, et 1 insubordination etoit même devenue si générale, que pour couper court au mal, je me mis en devoir de prononcer autant de' divorces qu il y avoit eu de mariages , et de renvoyer impitoyablement toutes ces dames hottentotes. Une injonction aussi sévère ne pouvoit manquer de déplaire à des faineans qui n’avoient plus d’autre occupation que de se divertir, et auxquels j ’annonçois les fatigues d’un nouveau voyage. La plupart murmurèrent hautement, et ils se plaignirent qu’après les avoir conduits depuis trois mois dans des pays horribles , je. voulois les mener dans d’autres plus affreux peut-être et plus périlleux encore. La vue des femmes qu’il falloit quitter ajoutoit au mécontentement. Enfin,-il devint tel que Klaas, en trant dans ma tente , m’annonça que si je ne prévenois l ’insurrection en révoquant mon ordre, je courois risque de me trouver seul le lendemain avec lui et Swanepoel, parce que tous les autres s’arran-, geoient déjà pour partir avec leurs maîtresses. En toute autre circonstance, un pareil avis eût peut-être produit en moi beaucoup de réflexions. Dans celle-ci, il ne fit que m’irriter. Je ne vis plus dans mes gens que des serviteurs rebelles; et ma tête étoit même si échauffée des murmures, que, sortant précipitamment de ma tente, je renouvellai tout haut l ’ordre du départ des femmes ; en ajoutant que ceux qui les préféraient à moi, pouvoient partir avec elles ; que je ne voulois plus de leur service, et qu’un jour, quand je le voudrais, je saurais les retrouver et les faire punir ■ ■: aw • Le ton ferme avec lequel.fut prononcée ma menaçé ayant tait- taire les murmures et produit un grand silence , je tentai de mettre à profit cette impression momentanée, en essayant mon autorité par un ordre d’un autre genre. Deux de mes chèvres et un mouton s’étoient 'égarés la veille, et les gens que Swanepoel avoit envoyés à leur recherche étoient .revenus sans les ramener. Je.com- mandai- qu’on allât de nouveau les chercher. Mais personne ne se mettant en devoir d’obéir, j’en donnai spécialement l’ordre à celui qui se trouvoit le plus près de moi: C’étoît un nommé Adam, Hot- tentot, qui m’avoit accompagné pendant mon premier voyage, et qui depuis, et avant que je commençasse mon second, avoit continué d’être à ma.;solde pour la garde de;mes boeufs. ^ En ce moment, Adam étoit assis sur son paquet, et prêt à partir. » Sans se lever, il me répondit impertinemment que, n’étant pafiplus sorcier que ses camarades, et n’ayant pas plus qu’eux le talent de retrouver de qui étoit perdu, jepouvois me dispenser, de l’envoyer à la recherche des bêtes, et qu’il ne vouloit pas, y aller. Cette résistance m’enflamma de colère. Je le frappai dans l ’estomac d’un coup de .pied qui le renversa par terra; pnis armant un, des pistolets de ma ceinture, je lui.criai de se sauver, s’il ne vouloit pas que je lui fisse sauter la cervelle. En effet, il ramassa son paquet et se sauva au plus vite. Mais à peine fut-il à trente pas et hors de la portée de mon pistolet, qu il s’arrêta tout .court et se mit à proférer quelques phrases que je ne pus, à la vérité, distinguer,: et qui probablement étoient des menaces, au moins à en juger par son attitude et son geste. Alors je . saisis mon. fusil, et lui envoyai successivement mes deux balles, non dans l ’intention de l ’atteindre, mais pour intimider ceux qui, à son exemple, chercherait à se soulever; la terreux en un instant


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