d’un air très-empressé , me faisoit des signes auxquels d’abord je ne compris rien. Mais , . ayant porté la vue du côté que me désignoit sa main, j’apperçus, avec surprise, une giraffe arrêtée sous un grand.ébenier, et assaillie par mes chiens. Je crus que c’en étoit une autre, et courus vers elle. C’étoit la mienne qui s’étoit relev é e, et qui, au moment: où j ’allai lui tirer mon second coup, tomba morte. Qui croiroit, qu'une conquête pareille excita dans mon ame des transports voisins de la folie. Peines, fatigues, besoins cruels, incertitude de l’avenir, dégoût quelquefois du passé, tout disparut, tout s’envola à l ’aspect de cette proie nouvelle : Je ne pouvois me rassassier de la contempler ; j ’en mêsurois l’énorme hauteur. Je reportois avec étonnement mes regards, de l’animal détruit à l’instrument destructeur. J ’appelois, je rappelois tour à tour mes gens; et quoique chacun d’eux en eût pu faire autant, quoique nous eussions abattu de plus pesans et de plus dangereux animaux encore, je venois le premier, de tuer celui-ci; J ’en allois enrichir l’histoire naturelle; j ’allois détruire des romans, et fonder, à mon tour, une vérité. Tous mes gens accoururent et.me félicitèrent sur mon triomphe. Bernfry seul restoit en arrière. En vain je le pressois du geste et de la voix. Tombé de cheval, il avoit eu l’épaule froissée, et mar- c'hoit à pas lents , tirant sà monture par la bride. Arrivé à ma portée , il me parla de sa chûte. Moi,.sans entendre ce qu’il me disoit, sans songer qu’il pouvoit avoir besoin de secours, je lui par- lois de ma victoire. Il me montroit son épaule, je lui montrois ma giraffe; j ’étois ivre, et n’aurois guère songé à mes propres blessures. J ’ai donné quelques notices sur les moèurS et l ’instinct de la g iraffe, et j’en dirai quelque chose encore. J ’en ai Rapporté'une peau en Europe ; et si les appartemens que peut occuper UU particulier , n’étoient point beaucoup trop bas pour la hauteur d'un pareil animal , j ’eusse dressé cette peau, afin d’offrir aux amateurs un modèle vrai de ce qu’ il est dans la nature. Il me reste à détailler les précautions et les soins que j ’ai p ris , en le dépouillant, pour conserver sa robe aussi entière, aussi intacte qu’il étoit possible. Cette instruction peut devenir utile à ceux des voyageurs, qui, se proposant de parcourir, comme moi, la contrée des giraffes, voudroient, comme moi, en rapporter la dépouillé. Des curieux, en voyant celle dont je suis possesseur, et qui, quoique suspendue sans précautions dans mon cabinet, depuis sept ans, les a surpris par sa fraîcheur et son intégrité, m ont fait, à ce sujet, plusieurs questions. Les détails dans lesquels ,e vais entrer, répondront à tout; et les procédés que j ’ai à décrire, seront peut- être accueillis avec d’autant pins de faveur qu’ils peuvent s appliquer à tout autre animal qu’à une giraffe. Mon premier soin, quand j’eus tué la mienne, fut d’en prendre très-exactement toutes les proportions ; puis de la dessiner en réduisant mon dessin d’après l ’échelle de mes mesures. Pendant ce tems tous mes gens étoient employés à soutenir les différentes parties que je dessinois. , A dire le v ra i, cette opération leur parut longue. Mourans de faim, n’ayant point mangé non plus que moi, depuis trente-six heures, ils aspiroient au moment où èlle seroit finie, pour se repaître ^ de l’animal. Déjà même, afin de travailler plus vite a sa dissection, plusieurs d’entre eux aiguisoient leur couteau sur des cailloux. Mais mon intention étant de conserver sa peau et de le dépouiller moi-même, je n’avois garde de le leur laisser déchiqueter et mettre en pièces. Vainement ils m’invitoient ù l’abandonner et m’assuroient que j ’allois désormais en trouver assez d’autres, je ne me laissai point prendre à ce langage d’affamés, et me mis incontinent à l ’ouvrage. . _ : D’abord je fendis la peau par-dessous le corps, depuis 1 anus jusqu’à la lèvre inférieure. Cependant je n’entamai point la lèvre, parce que cette partie, étant d’une texture plus mollasse que le reste, elle se retireroit davantage par le dessèchement, si elle étoit fendue : ce qui défigureroit l ’animal , quand on voudroit lui rendre sa forme. Après cette première incision, j ’en fis quatre autres,
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