38 ' ■ P j O Y A G E nous touchions au mois de novembre ; et par-tout la terre brûlée ne me laissoit plus d’espéranqe. Mes Hottentots eux-mêmes ne ca- choient pas leur découragement. Pour moi, .plus accoutumé qu’eux à réfléchir sur l’avenir, et plus intéressé aux malheurs inévitables qui nous attendoient, j ’étois consterné. De toutes parts entouré d’obstacles insurmontables, je voyois arriver le moment où il me seroit aussi difEcile de regagner le Gap, que de continuer ma route. En vain je moecupois, jour et nuit, des moyens de sortir d’embarras ; mais, soit que je restasse, soit que je partisse, je ne voyois que mort et désolation de toutes parts. Mon courage succomboit sous ces assauts multipliés. Plusieurs fois déjà j ’avois remarqué que, quand le ciel se couvrait autour de moi, la rivière, vingt-quatre heures après, aug- mentoit régulièrement de cinq ou six pouces, et ne reprenoit son niveau que quelques jours après. Le rapport constant de ces deux faits entre eux ne pouvoit manquer de me frapper; et j’en avois conclu .que le fleuve prenoit sa source dans quelque chaîne de montagnes, où les nuages qui pas- soient sur ma tête alloient se rendre et se dissoudre. Mes excursions de 1 autre côte de la rivière m’avoient d’ailleurs confirmé encore dans cette conjecture. Souvent, en gravissant des montagnes, j ’en avois apperçu d’autres qui, placées, en amphithéâtre; et s,’élevant toujours de plus en plus à mesure qu’elles s’éloignoient, alloient se perdre au lo in .. Ma lunette m’avoit même fait appercevoîr, que toutes les fois qu’au zénith de mon camp nous avions des nuages, il pleuvoit dans la chaîne au nord-est; et dors j ’étois assuré de voir, le lendemain , une crue de la rivière. Que n aurois-je point donne pour être dans ces montagnes lointaines qui n’éprouvoient point la sécheresse qui nous dévoroit! Mais comment m’y rendre? Et d’ailleurs peut-être, malgré leurs pluies, manquoient-elles d’herbages. Au moins ma lunette ne m’y montroit qu’une superficie aride, sans bois ni verdure. Ainsi, de quelque « E N A F R I Q U E , 39 côté que je portasse mes regards, je n’appercevojs que des sujets de découragement. Cependant il falloit prendre un parti et me tirer de l ’embarras désespérant où je me trouvois. Dans l ’état de dépérissement mortel où étoient mes boeufs, tout m’annonçoit que je devois ne plus compter sur eux et les regarder comme morts. Privé d’attelages, ma seule ressource étoit donc de chercher à conserver mes effets, mon monde et mes autres animaux domestiques. En laissant tout cela dans le caipp, j ’étois sûr que la troupe ne manqueroit pas de nourriture; et la fidélité connue de Swanepoel me répondoit de mes charriots. Moi, pendant ce tems , je^pouvois m’absenter quelques semaines, parcourir la contrée au-delà de la rivière, et y négotier par moi-même, dans les différentes peuplades que j ’y trouverois, de quoi remonter mes voitures. Mon excursion me permettait, en même tems, de chercher des girafïes et d’en tuer quelques-unes ; et ce plaisir devoit me dédommager au moins des fatigues et des dépenses d’un voyage malheu- • reux, entrepris contre saison. Je fixai mon départ au vingt-huit octobre; et partis, emmenant avec moi huit de mês fusiliers, au nombre desquels étoit Klaas Baster, et huit Namaquois qui consentirent à m’accompagner. Tout le reste de mon ancienne caravane demeura au camp, sous les or-- dres de Swanepoel. La nouvelle fut composée de quatre chiens, de mon singe Kees, de deux chevaux, de six boeufs de charge, que j ’avois loués pour porter mes effets, mes provisions, et même quelques instrumens, tels que mon quart de cercle et ma boussole, et de dix-huit personnes : car Bernfry m’avoit demandé d’être du voyage; e t , à dire le v r a i, j ’aimois autant voir cet homme à côté de moi, qu’auprès de mon camp, lorsque je n’y serois plus. Nous traversâmes la rivière sur le_ radeau, et la côtoyâmes , en la remontant et suivant ensuite son cours, dans l ’espoir que nous apperceverions quelques giraffes que le besoin de boire y attireroit. Les Namaquois qui connoissoient le canton, me conseillèrent de
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