pou voient devenir funestes, ou pour moi ou pour quelqu’un de mes compagnons. Arrivé près de la rivière, et sautant d’une roche à l ’autre pour me mettre à portée de mieux vo ir , j’apperçus un animal qui me croi- soit; et sans me donner le tems de l ’examiner, je le tirai et lui cassai la cuisse. C’étoit le petit hippopotame lui -même. Nous courûmes à lui , pour lui couper le passage et l’empêcher de gagner l’eau. Mais à peine l’avions-nous joint, qu’à quelques pas de là , sur les bords dë la rivière, se montra la mère, qui, avec des rugissemens affreux , accourut vers nous, en ouvrant une gueule effroyable. Cette apparition subite à laquelle nous ne nous attendions point, fit sur nous une telle impression de terreur que nous ne songeâmes tous qu a fuir au plus vite, et que chacun même, pour courir plus lestement, jetta son fusil. Je ne balançai point à en faire autant du mien, qui étant déchargé me devenoit inutile pour me défendre. La mère, ayant recouvré son petit, ne chercha point à nous poursuiv re , et rentra paisiblement avec lui dans l ’eau. Sa retraite nous permit d’aller reprendre nos fusils. Mes chasseurs me dirent que si je voulois revoir le jeune animal, je pouvois l ’attendre sur le rivage , et qu’il ne manquerait pas d’y revenir bientôt avec sa mère, soit parce qu’il étoit encore trop jeune pour rester long-tems dans l ’eau, soit parce qu’il ne pouvoit y tetter. Ce projet, d’après ce que nous venions d’éprouver, me parôis- soit entraîner trop de risques. Je crus qu’il étoit.moins dangereux d’aller attaquer cette mère dans son élément, et que là , moins à découvert, elle s'occuperait plus à se cacher et à nous fuir qu’à nous poursuivre. Mes conjectures étoient fondées. En moins d’un quart d’heure , malgré ses ruses et ses menaces apparentes, elle fut tuée avec son petit, et mes nageurs les poussèrent tous deux au rivage. Je fis porter dans mon camp le jeune animal : mon dessein étoit de l’employer à ma cuisine, si sa chair étoit bonne. Je la trouvai excellente; elle tenoit, pour le goût, du porc et dujveau. •Quant à la mère, on l ’écorcha et on la travailla en place. J ’avois donné ordre qu’on m’apportât une jatte; je la remplis de son lait, qui me parut beaucoup moins désagréable que celui de l’éléphante, et qui le lendemain se changea presque totalement en crème. Je lui ai trouvé un goût d’amphibie et une odeur sauvagine , dont la première sensation étoit de rebuter. Cependant, à défaut d’un autre, je m’en serois accommodé, et j ’avoue même qu’avec le café, il étoit agréable. L ’éclat de nos feux pendant la nuit*, le bruit de nos armes pendant le jour avoient averti de notre présence plusieurs hordes de Grands Namaquois, situées à quelques lieues de nous , de 1 autre côté de la rivière ; et ils venoient souvent me rendre visite dans mon camp. J ’avois aussi quelquefois celle de Caminouquois, qui demeuraient plus loin. Tous me témoignoient de l ’amitié ; je les accueillois tous avec le même sentiment; et jamais aucun d’eux ne s en retournoit sans emporter avec lui une charge du produit de mes chasses. Ces. cadeaux, qui n’étoient rien pour moi et beaucoup pour eux, me faisoient des amis dans toutes les hordes. T o u s s’empressoient de venir me voir, et tous m’engageoient à aller chez eux à mon tour. Ces allées et venues, ce spectacle de ces bons Sauvages qui se livroient à moi par troupeaux, sans crainte, sans défiance aucune, me ramenoient toujours à mon caractère naturel, qui est celui de la douceur, de la tolérance, de l’amour du repos; et jamais l ’idée de conquête et d’empire, qui naît quelquefois des obstacles et de la résistance, n’étoit plutôt chassée que parla communication douce et franche de ces hommes naturels : par-tout où je les rencontrois, tous leurs efforts tendoient à m’attirer. Pour m’y déterminer d’une maniéré plus puissante, les Grands Namaquois me disoient qu’à deux journées au nord de leur canton je trouverais beaucoup de giraffes et de rhinocéros. Jusqu’à ce moment, comme je l’ai déjà dit, je n’avois point encore vu de giraf-’ fes. La partie d’Afrique que j ’avois parcourue à mon premier voyage n’en nourrit point ; et celle que je venois de parcourir à mon second n’en a pas davantage., parce qu’elles ne passent jamais la E a
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