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moi en ont eu bonnoissance ; je citerai à ce sujet Dubadier, cotinn en histoire naturelle par la collection la plus rare et la plus complète des crustacéés des Antilles. A son dernier voyage , ce naturaliste avoit vu , par lés quarante-cinq degrés latitude nord , et les trois cent trente-trois dé longitude , Une pareille raie, accompagnée de ses deux pilotes blancs, qui pouvqit avoir vingt-cinq à trente pieds de, large. 11 en avoit pris le dessin; j ’avois pris également celui des raies que j ’avois vues. Enles comparant, j’ai reconnu aisement qu’elles étoient de la même espèce. Le cours de notre traversée n’offroit rien de bien remarquable , que les-vents contraires qui nous battoient avec constance. Nous fumes même, parles trente-trois, degrés de latitude, ass’aîllis encore par une tempête furieuse. La crainte que notre voyage s allongeât trop, fit diminuer la ration d’eau à tout l ’équipage. Le 4 octobre, nous passâmes à la vue des îles désertes de Flores et Corves, dont nous longeâmes la côte à la porte du mousquet. Le 9, du mêm'è mois, un homme sauta à la mer ; il fut impossible de le sauver, tant elle étoit furieuse. Ce malheureux, en un moment, fut porté à une grande distance. Il nous tendoit les bras ; mais les vents nous, entraînoient' avec violence. Nous jetâmes à la mer plusieurs bàriques vides et quelques cages a poulets; mais cette opération ne put se faire assez vîte ; et quand il seroit vrai qu’il eût atteint quelqu’un de ces frêles appuis , nous n aurions fait que prolonger son supplice et lui avoir donne vingt fois la mort. Le ¿3 octobre, nous fîmes la rencontre de deux petits bati- mens françois qui revenoient de la pêche de la morue; nous en achetâmes une forte provision pour toute notre flottile;jpt ce secours vint fort à propos, car nos vivres étoient considérablement diminués et nous ne prenions depuis long - tems qu une très - mauvaise nourriture. Ces deux pêcheurs, allant à Bayonne, et devant par conséquent arriver avant nous, se chargèrentde nos lettres. Je saisis cette occasion si favorable pour annoncer a ma famille et à mes amis de Hollande, ma prochaine arrivée. Le 3o , nous apperçûmés plusieurs débris d’un vaisseau ; entre autres, un mat presque entier qui. passa- contre notre bâtiment. Ce triste spectacle nous annonça encore un malheur arrive pendant le dernier coup de vent. Enfin, le x novembre, nous eûmes connoissance des côtes de l’Europe, où nous fumes constamment battus des vents contraires , jusqu’à l’entrée du canal, ou.nous fî- mes station avec plus de deux cents bâtimens, revenant de toutes les parties du monde, et que les vents contraires retenoient la aussi bien que nous. Mais quelle fut notre surprise lorsque le vaisseau que nous avions cru perdu sur. le banc des Aiguilles, avec son équipage , le M iddelbourg , fut reconnu dans ce nombre. Dans l’excès de ma jo ie , je voulois prendre un canot pour aller jusqu’à lu i; mais la mer étoit impraticable pour un aussi frêle bâtiment; nul matelot n’auroit voulu me conduire. La mer étoit affreuse. Le malheureux M iddelbourg me sembloit placé dans une situation plus défavorable encore que nous; il me sembloit à moi tout délabre; c ’étoit un malade qu’une rechute alloit infailliblement entraîner a sa perte. Triste pressentiment que personne ne vouloit partager avec moi, et que la destinée deroit vérifier le jour même, i A peine fûmes-nous entré dans le canal, qu’une brume épaisse s’éleva ; elle devint à chaque instant plus compacte, et les vents les plus violens commencèrent à souffler ; ils s’accrurent tellement que ni l ’art de nos marins , ni la manoeuvre la plus habile , ne purent rien contre sa violence. De lame en lame et par bonds précipités , nous "nous vîmes portés sur les rochers. A peine si nous nous distinguions ; un épais brouillard régnoit de toute part , comme si le ciel eût voulu nous dérober l ’un à l’autre nos angoisses et lé spectacle de vingt naufrages. Non- seulement nous avions à redouter lés brisans, mais nous devions craindre encore de heurter contre quelque bâtiment; car le canal en étoit entièrement couvert. Je ne puis donner une-idée de la fureur des vents déchaînés contre nous, qu’en disant que nos voiles, quoique roulees, et nos cordages étoient emportés en charpie. Cette fois je regardois ma mort comme inévitable, et je l ’àttendois en silence. Alors le .M id d elbourg se brisoit sur la côte, et l ’époux, et l ’épouse et les enfans A a a a


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