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périssoient sans retour ! Alors périssoient vingt bâtimens que leur malheur entraînoit 1 un vers l ’autre Ou contre les rochers. Un autre vaisseau de notre flotte, la H o llan d e, perdoit son gouvernail, qu une lame vénoit d’emporter. DeVënu le jouet dès vents et des vagues, hors d état de se diriger, il nous faisoit des signaux de detresse , auxquels nous/ répondions par des signaux de mort. Pour surcroit d infortune, la nuit vint nous surprendre au milieu de nos manoeuvres toutes delabrees : la H ollande tira encore plusieurs coups de canon, et lorsque le jour revint, nous ne l’apperçûmés plus(i). Quant à nous, nous passâmes le canal , et, battus par la tempête, nous avançâmes vers l ’île de Middelbourg, où nous je tâmes Ignore a la vue de terre ; mais bientôt cette ancre et toutes celles que nous jetâmes successiment, furent cassées ; il nous fallût encore passer une terrible nu it, à louvoyer dans ces parages remplis d ecueils. Tout habile qu’étoit notre .capitaine , il n’osoit prendre sur lui d’entrer, par le tems qu’il faisoit , sans un pilote côtier. Le capitaine du port, M. ' Intanker, ayant, de la ville de Middelbourg , apperçu notre détresse , eut le courage de monter une chaloupe , et vint, à travers cent périls, nous secourir. Il abor— d e , monte sur notre bord , s’empare du commandement, et nous conduit droit au port de Flessingue. Nous y fûmes portés par un coup de vent si furieux que noüs marchions à la côte sans qu’aU- cune.manoeuvre put nous détourner de cette direction. J ’étois dans la chambre a 1 arrière ; j’entendis crier : Nous sommes perdus. Je vole sur le pont. Nous touchions en effet ; mais le hasard nous avoit porté' dans la vasç ; cinquante pas plus bas nous étions brisés. Le vaisseau se coucha sur le flanc, et nous passâmes la nuit dans cette position. Le jour reparut avec un tems plus calme.;-vingt chaloupes vinrent nous remorquer et nous remirent à flot. Nous entrâmes enfin dans la rade de Flessingue, où nous mouillâmes , choie assez bi- (i) J ’ai appris depuis que ce bâtiment, par un miracle inconcevable, fut jeté dan» un port d'Angleterre où il fut sauvé. * sarre , à côté du H e ld Voltemade , le même vaisseau qui m’avoit conduit au Cap de Bonne-Espérance , et que la Compagnie hollan- doise avoit racheté des Anglois, qui, comme on sait, l’avoient pris , lors de son'départ du Cap pour Ceilari. Dans la matinée même, nous reçûmes les commissaires de la Compagnie de Zélande : l’un d’eux m’apporta des lettres d’Amsterdam ; c’étoient les réponses à celles que j’avois remises en mer aux deux bateaux pêcheurs. M. Temminck m’avoit recommandé aux directeurs de la Compagnie, j ’én reçus toutes sortes d’égards, et mes caisses furent respectées. A peine arrivé à terre, je louai une barque , au moyen de laquelle je me rendis sans délai, avec tous mes effets, à Amsterdam. J ’allai me jeter dans les bras de mes bons amis Boers et Teinminck. Quelques jours après, je partis pour Paris, où j¡arrivai dans les premiers jours de janvier. 17 85, après une absence de cinq années : le seul tems de ma vie vraiment regretable, le seul du moins ou la lâcheté des hommes n’est point arrivée jusqu’à moi; où j ’ai pu braver avec sécurité et leurs injustices, et leurs bienfaits , et leur domination tyrannique. F in n u s e c o n b e t n_s a n i e r v o i . u n e . S


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