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soixante à quatre-vingt mille. En un' mot, notre journée fut employée toute entière à faire sept lieues ; et pendant nos sept lieues , par-fout, sur nos -côtés et devant nous, nous ne vîmes que des spnng - bocken. Elles sembloient remplir toute la vallée .et nous obstruer le passage. • aNi:ms n’avi0lîs fait i ue sept lieuès ce jour-1 à ; le lendemain nous ne pûmes en faire que trois dans la matinée; mais Ce fut par une autre raison. Un de mes charriots versa dans un passage difficile. Il eut son timon rompu et trois rayons de ses roues de derrière cassés; et pour comble de malheur, on ne put le relever qu’en le déchargeant entièrement. Il m’étoit aisé de suppléer au timon. J ’en avois un de rechange sous chaque voiture. Mais les réparations de la roue exigeant du tems, et le lieu'n’étant pas commode pour ce travail, je lé remis .au lendemain. On entrelaça quelques branches dans les rais cassés, pour la soutenir. On allégea Je chamot, en répartissent sur les deux autres ce qu’il avoit de trop lourd ; et dans cet état, nous pûmes faire encore quatre lieues et arriver au bord d’une rivière qui nous offrit un campement favorable pour notre séjour et notre réparation. C’étoit je 12 juillet: époque mémorable que je n’oublierai jamais , parce qu’elle fut pour moi celle d’une maladie qui fkil- lit a me coûter la vie; mais epoque chère à mon coeur, et que je me rappelerai toujours avec la satisfaction la plus douce , parce qu’elle me procura le plaisir de faire unè bonne action et de rendre heureuse une famille. J ’étois arrivé avec du mal-aise, du frisson et une grande pesanteur dé tête. Mais ces symptômes ne m’effrayoient nullement. Je les at- îribuois aux fatigues extrêmes que m’avoit causées mon excursion vers l’embouchure de l’Orange, et même à celles de ma dernière chasse. Dans cette idée, supposant qu’il ne me falloit que du repos, j’étois allé me coucher dans mon charriot, et j ’attendois un sommeil que je ne devois pas trouver. Pendant ce tems, Klaas faisoit dresser ma tente. IMais tandis •qu’on y travailloit, il apperçut au loin une voiture qui paroissoit se se diriger vers nous , et il courut m annoncer, cette bonne nouvelle. Il y avoit plus d’un an qu’il ne m’étoit arrivé de lettres du Cap.. J ’i- gnorois absolument tout ce qui s y etoit. passe depuis,mon départ; et ces étrangers alloient ni’en instruire peut-etre. Cette idée me fit oublier -mon mal. Je-Sautai en bas .de mon lit, et courus au-devant des voyageurs. Leur charriot étoit traîné par dix boeufs, et conduit par. cinq Hot- tentots. A leur suite marchoient trois vaches,maigres et quelques moutons. Pour eux , ils étoient quatre : un. homme, une f emme et deux enfans. Mais-hommes, voiture., animaux,, tout aitUfOnçoit l&.plns profonde misère, et les maîtres eux-memes en portoient le signe sur les habillemens dont ils étoient couverts. A. leur aspect, je me sentis involontairement, attendri, Eux, au. contraire, témoignèrent, en me voyant, la joie la plus vive. Leurs- yeux, leurs regards , leurs mouvçmejis me-l aûnpnçoient. Les deux époux sur-tout ne pouvoient suffire à m’exprimer.leur contentement. A les entendre , c’étoit pour eux le bonheur le plus grand de m a- voir rencontré ; et ils re.gairdoient; ce jour comme le. plus heureux-, de leur vie. , Ne les ayant jamais rencontrés ¡dans aucun lieu du monde , je nè pouvôis comprendre,!d’où ,venoit cette allégresse qui contrâs- toit si fort avec leurs haillons et leur indigence, J étois empressé d’en apprendre la cause ;. et néanmoins je ne pus les interroger et satisfaire ma curiosité que quand nous fûmes arrives au'capnp et,que jejir voiture fut rangée prèsjdes, mienngs,., Alors-, les introduisant dans ma tente, je leur offris des rafraichissemens., qu ils acceptèrent, et nous entrâmes en conversation. Le mari, né en Afrique, ainsi que sa feipme, etoit un de ces hommes, inconséquôns et sans, çaracjtèjce ,dont on rencontre chaque jour tant de modèles, et qui, jaloux du repos et des commodités de la vie, mais naturellement paresseux, n aspirent, qu,à s enri-, chir promptement , pour jouir au plus vite d une vie tranquille et heureuse. Celui-ci, n’ayant point vu jour -à faire, dans la colonie , une fortune aussi rapide qu’il je désiroit -, et entendant parler, de Tome II• T t .


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