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ker ; que ce brave homme, dans sa vie errante, s’étoit fait ainsi différens établissemens sur les bords de l’Orange, et qu’il avoit abandonné celle-ci pour s’éloigner du voisinage de Bernfiy et de Moo- del ; dont il savoit bien n'être pas aimé. Je parlerai plus bas d’une famille malheureuse que j ’ai rencontrée dans le désert en me rapprochant au Cap , et à qui j’ai conseillé d’aller occuper cet asile délaissé. Si elle a suivi mon conseil; s i, retirée dans ce coin de la terre , elle y a trouvé la fin de ses maux ; à cette paix, qui n’est pas de ce monde, elle se rappelera mon nom. Le nom d’un homme de bien est doux à prononcer. Le nom des oppresseurs , des assassins et des traîtres, imprime une longue- horreur, qui change la terre la plus paisible en un séjour d’épouvante et de misère. Mais je sors des déserts d’Afrique, et j’y dev rois toujours être resté. Nous nous établîmes dans la chaumière et dans le vallon qui l’en- touroit ; après quoi j’allai examiner en quel état étoit la rivière. Elle continuoit de baisser. Déjà ses eaux s’étoient beaucoup éclaircies, et les hippopotames commençoient à reparoître. Nous nous mîmes aus- sitôtà la chasse de ces amphibies ; et dès le jour même nous en tuâmes un qui me fournit' une ample provision pour la nourriture de ma troupe. Dans le dessein on j ’étois de recommencer un troisième voyage, j’eusse fort désiré connoître le cours de la rivière et la suivre jusqu’à son embouchure. Mais les difficultés que nous avions essuyées jusqu’ici , rendant ce projet impraticable, du moins avec mes charriots et toute ma caravane , je pris le parti de faire cette petite excursion à pied, avec quelques-uns de mes gens. Ce voyage ne pouvoit manquer d’être très-fatigant ; mais il ne me falloit pas plus de quinze jours pour l’achever. Ainsi, sans vouloir aucun équipage, j ’emmenai avec moi quatre de mes chasseurs , au nombre desquels étoit Klaas ; je pris quelques-uns de mes chiens, et je me mis en marche. Mon projet étant, comme je l’ai -dit, de connoître l’Orange, je le côtoyai très-exactement, et ne m’en éloignai que quand nous trouvions , vions , sur ses bords, des rochers qui, par leur hauteur ou leur escarpement, nous obligeoient à des détours. Après quelques jours e marche nous découvrîmes une île où je fus curieux de pénétrer, dans l’espoir d’y trouver peut-être quelque objet nouveau qui rut satisfaire ma curiosité. Mes compagnons n’étoient point embarrassés pour le passage • tous les Sauvages sont d’excellens nageurs. Quant jt moi | j'employai le moyen dont je m’étois déjà servi précédemment pour traverser 1 Eléphant ; c’est-à-dire , que j ’enfourchai un tronc d’arbre , et que mes nageurs, les uns en le tirant en avant, les autres en le poussant par derrière , me firent arriver. Cet expédient avoit tai ü me coûter la vie, à ma première épreuve. Mais dans celle-ci ] avois une traversée trop peu large, et j ’étois trop éloigné de la mer pour avoir rien à craindre. Quoique l’île ne parût offrir aucun être vivant, néanmoins il y avoit en ce moment plusieurs hippopotames qui s’y trouvoient cachés ; et c’est ce qui me l’a fait appeler l’île des hippopotames. A 1 instant de notre apparition, quelques-uns de ces animaux, effarouches, regagnèrent la rivière. L un d eux s’étant trouvé sur le passage de Klaas, celui-ci le tira et le tua du coup. C’étoit un jeune. Mais le bruit de l’arme en fit lever d’antres ; et en moins d’une minute j’en vis pins de douze, de tout âge et de toute grosseur, se jeter à l’eau et disparoître subitement. Je n eusse jamais cru qu’un animal, si peu léger sur terre, eût dans l’eau une vîtesse si étonnante. Il n auroit pas été prudent à moi de passer la nuit dans l’île Je connoissois trop bien les fleuves d’AfHque, et sur-tout l’Orange qui par une r;rue subite pouvoit, en peu d’heures, nous surprendre et nous submerger. Ainsi, après avoir levé sur notre hippopotame quelques morceaux, qui pussent nous fournir des grillades pour notre souper, nous traversâmes l’autre bras de la rivière , et allâmes passer la nuit sur la rive droite, et assez loin pour n’avoir rien à craindre d un débordement, s’il arrivoit. Mon intention étoit de revenir dans l’île, le lendemain matin. Mais Tome II. * R r


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