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côté, rejeta obstinément toute autre condition; et les choses en restèrent là , malgré les instances de mes Hottentots, qui, fatigués des peines que leur causoit l’éducation de ces boeufs indomptables, me pressoient d’accepter. Ces hommes qui d’abord s’étoient fait un jeu de- réduire et de discipliner les boeufs , maintenant en désespéroient. Je sentais très- bien l’embarras de ma situation ; et néanmoins j ’étois résolu à tout souffrir , plutôt que de consentir au. marché. Ainsi, renonçant à tout espoir d’arrangement et d’échange , je fixai mon départ au 21 mai, et le jour étant arrivé,, l’on attela.. La caravane étoit nombreuse. Outre les trente-six brocanteurs de troupeaux, qui m’avoient demandé à m’accompagner, j ’avois encore dix Namaquois, d’une horde voisine de la Fontaine du Secrétaire, lesquels se proposoient de marcher de conserve avec- nous , jusqu’à un gué de la rivière., qu’ils connoissoient, et où ils eomptoient la passer. Enfin, tant des étrangers que de mes gens , la troupe étoit composée de quatre-.vingt-> douze personnes, savoir, soixante-treize hommes et dix-neuf femmes ; et le troupeau, l ’éfoit de cent soixante-douze' bêtes à cornes , sans compter les bêtes blanches. . . . Depuis, quelques jours, la rivière avoit baissé, et les- Kamî- nouquois en avoient profité pour retourner chez eux avec leur camarade blessé. Toute ma caravane s'apprêtait à marcher. On n’attendoit que- mon signal; et déjà moi-même je posois le pied sur lë timon, pour monter dans mon charriot. Dans cette position, le boeuf qui était de mon côté me détache une ruade , et il me frappe très - violemment à la jambe que j ’avois en l’air. Je fais un cri ; tout le monde accourt. On ne doute pas que jet n’aie la jambe brisée du coup. Moi-même , à la douleur qui me l’engourdit et qui m’ën ôte le sentiment, j’ai tout lieu de lè craindre et ce n’est qu’après plus d’un quârt-d’heure, quand l’engourdissement est passé , que je m’apperçois que j’en serai quitte pour une forte contusion.. Klàas s’irrite contre moi; et mettant à profit la leçon cruelle1, que je venois de recevoir, il s’adresse brusquement à Bernfry, lui propose douze livres de poudre et douze livres de plomb pour deux de ses boeufs timoniers ; et sans me permettre une rvilçxion , il part avec lui pour les aller prendre. Klaas avoit raison. Les deux boeufs arrivèrent ; le prix convenu fut payé, et nous partîmes. Mon projet étoit de côtoyer pendant quelque tems la rivière, en suivant son cours et m’éloignant le moins possible des bois qui la bordent. Cette route m’assuroit à la fois et de l’eau et des pâturages abondans. Mon charriot marcha même assez bien, à 1 aide des denx timoniers que m’avoit vendus Bernfry ; mais il neii fut pas? ainsi des deux autres yoitures. Leurs attelages etoient si recal- citrans et si indociles que vingt fois elles manquèrent d etre cul-, butées contre des arbres ou renversées dans des précipices , et que nous employâmes trois jours à parvenir au gué , c’est-à-dire, a faire une marche qui eût dû être l’ouvrage d’une forte journée. Les conducteurs, excédés de fatigue et perdant patience, me déclarèrent qu’il ne nous seroit pas possible d aller plus loin, si je ne donnois à chaque voiture deux timoniers dresses, comme j’en avois à la mienne. C’était me dire d’acheter les quatre autres bêtes de l’attelage de Bernfry. Jamais résolution lie me coûta autant à prendre ; mais , malgré toutes mes répugnances , nécessité fut d’y souscrire. J ’envoyai donc le fusil qui avoit été exigé, et j’attendis , sur les bords du fleuve , l’arrivée des boeufs. Dans cet intervalle , jerm’acquittai très-libéralement envers les Namaquois. Récompensés bien au-delà de ce qu’ils avoient demandé pour, m’accompagner, et infiniment satisfaits de moi, ils me quittèrent et passèrent le gué pour se rendre chez eux. - Nous nous en éloignâmes dë notre côté, quand les boeufs furent venus ; et en deux campemens et après dix lieues de marche, en suivant le bois , nous fîmes halte sur la grève de l’Orange, où nous abordâmes facilement avec nos voitures par un défilé commode et aisé, où il n’y avoit pas un arbre. Nous nous apperçumes ici à regret qu’il ne nous seroit plus pos- Qq 2


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