pendant le manège ; et j’avoue que ce spectacle devenoit pour moi un supplice qu’il ne m’étoit pas possible d’endurer. Aussi , toutes les fois que la leçon, alloit commencer, avois-jè soin d'e prendre mes armes, et de m’éloigner, de manière à ne la voir ni ne l’entendre. Il étoit à présumer au moins que ces courses me dedommageroient par quelques acquisitions nouvelles et que je trouverois, dans les oiseaux qui habitaient le bois des rivages, de quoi augmenter mes collections. Je me trompai dans mon espoir. Le tems du passage ve- noit de finir ; et tous, grands et petits guêpiers, variétés d’hirondelles , et autres espèces , avoient disparu. Une autre remarque encore, que je crois essentielle, c’est que du moment où avoit cessé cet ouragan de sud-est , dont j’ai parlé ci- dessus , le vent avoit tourné au nord, et qu’il y étoit resté constamment , avec quelques variations vers les deux rhums voisins, nord- quart-ouest, ou nord-quart-est. De tems en tems nous avions eu quelques grains ; mais" si foibles qu’à peine le sable en étoit mouillé. Cependant, le ciel restoit constamment couvert} et le vent char- rioit beaucoup de nuages, qui, passant avec rapidité sur nos tetes , alloient s’accumuler aux Camis et y préparer la saison des pluies pour le Cap. Déjà cette saison étoit commencée dans les montagnes septentrionales où l’Orange prend sa source. Au moins ce fleuve , depuis une quinzaine de jours que je l’avois traverse, s etoit accru de plus de vingt pieds. Il couloit à pleins bords , charrioit quantité d’arbres entiers qu’il avoit déracinés , et formoit même de grands lacs en plusieurs endroits de la plaine. Enfin, mon camp, qui d abord avoit été placé à six cents pas du bord, par-delà le bois , n en étoit plus à cinquante ; tous les arbres se trouvoient noyés presque en entier, et nous n’en appercevions plus que quelques branches et lés cîmes. Ce spectacle , l’un des plus majestueux quë j’aie contemplé en Afrique , eut long-tems attaché mes'regards, s il ne fut venu déranger un peu mes projets. Entre autres inconyenien.s dangereux pour ma caravane, il m’ôtoit l’avantage de la chasse aux hippopotames} ces amphibies n’aiment point les eaux troubles et fangeuses : ils s’etoient retirés vers les bords de la mer. -Plusieurs de mes nouveaux Sauvages , ayant leur horde de l’autre côté du fleuve, regrettoient beaucoup d’être restés si long- tems avec moi. Les Gheyssiquois, au contraire, exempts de cette inquiétude, et bien nourris dans mon camp, s’applaudissoient d’y être et ne paroissoient point songer à leur départ. Mais j ’avois promis à leur chef de lès renvoyer au bout de huit jours, et je tins parole. Je leur donnai à tous plus que je n’avois promis. La fille du chef fut chargée, comme il me l’avoit demandé lui-même, du présent que je- lui destinois } et quant à elle , sa récompense fut un joli mouchoir rouge et quelques verroteries blanches, dont elle fai- Æoit grand caSi Elle avoit été traité avec distinction dans mon camp. Aucune des commodités, pas même cellès des onctions , ne lui avait été interdite} j ’assistois quelquefois à sa toilette qui étoit à la vérité toùjours la même , mais je prenois chaque fois un nouveau plaisir à voir tous les soins qu’ellè mettoit à orner et.développer ses appas , dont la vue me rendoit de j our en jour plus circonspect et plus .sage. A peine cette troupe étoit-elle partie qu’il en survint une autre, composée de trente-six personnes, tant hommes que femmes. Ceux-ci étoient de ces Hottentots qui habitent sur la lisière des colonies, et qui achetant, de la seconde ou troisième main, certaines denrées chez les Colons, vont ensuite chez les autres Sauvages de l’intérieur des terres, les troquer pour des bestiaux, qu’ils reviennent vendre aux premiers. Il y a aussi des Blancs qui se livrent à ce genre de spéculation et de commerce ; mais ils n’y mettent pas, à beaucoup près, la même bonne foi que les Sauvages dont je parle. La troupe arrivoit des contrées de l’est, où elle avoit acheté une soixantaine de bêtes àcornes. Là, ayant entendu parler de moi, elle avoit cherché à me joindre , et venoit me demander la permission de s’unir à ma caravane pour regagner ses habitations. Je consentis à sa demande, en la prévenant néanmoins que je n’étois en- P p a
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