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tre en route que quand le soleil eut paru. D’ailleurs, nous n’avions plus que cinq lieues à faire , et la journée par conséquent étoit plus que suffisante pour une pareille marche. Il est vrai que, résolu à côtoyer le bois de la rivière pour abréger le chemin, nous ne pouvions avancer que lentement, parce qu’ayant des em-' buscades à craindre, j’avois beaucoup de précautions à prendre. Vers le milieu de la route à peu près, nous entendîmes quelques coups de fusil tirés sur la rivière. J ’envoyai à la découverte. C’étoient quatre de mes gens qui chassoient aux hippopotames, et qui, avertis de mon approche, vinrent me témoigner leur joie et me donner des nouvelles du camp. Ma longue absence y avoit jeté l’alarme. Inquiet de ne plus entendre parler de moi, Swanepoel me croyoit égorgé , avec toute ma troupe , par les Boschjesman, et il désespe- roit de me revoir jamais.: Je détachai un homme à cheval, pour lui annoncer mon retour ; -et deux heures après , nous arrivâmes. Mon premier soin , en mettant pied à terre, fut de m’occuper de notre malade. Je fis dresser ma canonnière , pour l’y placer; et après l’avoir recommandé aux soins de ceùx de ses camarades qui ine paroissoient les plus intelligens , accablé de lassitude et de sommeil j’allai me coucher dans mon cliarriot. Quant à mon monde, ils ' passèrent la nuit en fête, et à raconter, dans le plus grand détail, notre expédition. Bernfry, averti de mon arrivée par ses émissaires, eut l’audace, le lendemain, de se présenter de nouveau dans mon camp. Son intention étoit de m’en imposer sur sa conduite , et de travailler à détourner les soupçons que je pouvois avoir conçus contre lui. Il affecta beaucoup de zèle pour mes intérêts et un grand attachement •pour ma personne. 11 me parla de lahordedesvoleurs, et m’apprit que nous y avions tué quatre ou cinq personnes ; et blessé très -grièvement beaucoup d’autres. Mais elle avoit juré de se venger, disoit- • il; et je devois redoubler de vigilance et de précautions, si jevou- lois échapper aux surprises dont tôt ou tard je ne manquerois point d’être la victime. Au reste , mon plus grand ennemi dans eette affaire , selon lui, étoit Moodel. C’étoit'Moodel qui protégeoit spécialement çialemcnt la horde, et c’étoit de lui sur-tout que j ’avoi* à me défier. . Ainsi, pour me mieux trahir , le fripon trahissoit et dénonçoit à ma vengeance son camarade et son seul ami. Mais son insigne fourberie ne m’en imposoit point. Je coupai court à toute explication et insinuation ultérieure de sa part, eh feignant de recevoir sa confidence comme un avis important. J ’affectai même de ne lui laisser rien entrevoir des soupçons que j ’ayois sur lui. Par Cette apparence de confiance , je me ménageois la faculté de surveiller sécrettement sa conduite. Et après tout, quelque adresse qu’il eût employée pour m’inspirer des terreurs , je ne craignois ni Moodel, ni lu i, ni même les Boschjesman. D’ailleurs, occupé de mon départ, je ne songeois plus qu à quitter incessamment les bords de l’Orange. Deja les ordres etoient donnés de travailler aux préparatifs, et je n attendois plus que 1 instant où ils séroient finis. Il falloit des réparations à mes voitures qui, tourmentées par la chaleur , n’avoient plus une piece qui ne fut disloquée. Il falloit dresser mes nouveaux boeufs qui, n ayant jamais tiré, s’effarouchoient à la vue d’un charriot, et qui, lorsqu on étoit parvenu à les y atteler et qu’ils entendoient le bruit de cette machine qu’ils traînoient après eux, devenoient furieux et brisoient ou renvérsoient tout. . 11 en coûta, pour essayer de les dompter, des peines et des risques qui durèrent long-tems, et dont les essais infructueux me causoient, chaque jour, des accès d’impatience. Mes gens, plus tranquilles, ne se rebutoient pas aussi aisément, et ils m’assuroient qu’ils en viendroient à bout, si je voulois les laisser faire et m’en rapporter à eux. Mais les leçons qu’ils donnoient étoiçnt telles que je n’eusse pu, sans une peine extrême, en être le témoin- A les entendre , ces pauvres animaux étoient trop vieux pour se façonner paisiblement au joug; et l’on no devoit espérer de Jçs assouplir qu’à force de coups. A la vérité, il en restait encore cinq anciens, avec lesquels on attelait les autres, afin de les dresser par l’exemple- Mais avant de mettre ceux-ci au travail, on commençait par les châtier long-tems avec le schabouck, ¿Souvent même en répétoit durement la correction Tome II. P p


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