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que Bemfry, étoit à la fois et son espion et son protecteur. C’é- toit chez elle qu’il faisoit garder ses bestiaux. Tous ceux que j ’y avois vus avoient sa marque et lui appartenoient ; et les Gheyssiquois regrettaient fort qu’en punition du vol qu’il m’avoit fait faire , je ne les lui eusse pas tous enlevés. J ’avois pris des précautions pour défendre les miens, en cas de nouvelle attaque pendant la nuit. Mais, soit que les Boschjesman .eussent perdu notre trace dans les ténèbres , soit qu’ils craignissent l’appui que «pouvoit me donner la horde, ils ne parurent point. #5 ' ■ ■ ' . Pour leur échapper et pour arriver à mon camp , j’avois encore , suivant mon estimation, quinze ou seize lieues à faire ; et dans l’impossibilité d’achéver en un seul jour une si longue traite, je me proposois au moins de forcer la marche et d’aller , au plus loin possible , passer la nuit. Mais l’état où étoient mes boeufs m’empê- çhoit d’exécuter ce projet. Forcés par les voleurs à des marches non interrompues et à des fatigues extrêmes , sans qu’on leur eût même laissé le tems de manger une seule fois, ils se trouvoient si exténués que je désespérois de les conduire plus avant. Je les voyois étendus et couchés à terre, comme s’ils ne dévoient jamais se relever. Ils étoient èntoùrrés; d’herbages excçllens ; et, maigre, la faim , leur épuisement leur ôtait jusqu’à l’envie d’y toucher. C’était un bonheur pour moi , en pareilles circonstances, d’etre arrivé dans un lieu où je n’avois plus a redouter les Boschjesman. Cette sécurité , jointe à la bonté des pâturages , me fit prendre le parti d’y séjourner. En donnant aux bestiaux le loisir de sè remettre , mon séjour accoraoit en même tems à notre malade un repos doitt il avoit besoin. . , Son bras étoit tellement enflé qu’il avoit fallu le lui mettre dans une’ écorce plus large. Toute la partie du coude étoit- en suppuration, et il'en sortait des esquilles que ses esculapes arrachoient sans miséricorde , et qui dans l’opération lui faisoient pousser des cris lamentables. On continuoit d’appliquer sur ses plaies des, cataplasmes, composés de graisse de. mouton et de feuilles machees. Il espéroit espéroit beaucoup de ce remède; et moi-même, dans mon ignorance , j ’y avois quelque confiance aussi ; parce qu’à l’enflüre près, ses plaies étoient bien vermeilles’, et qu’il se sentait soulagé toutes les fois qu’on lfes lui r afraichissoit par l’application d’un nouveau topique. A ne juger du Gheyssiquois que par les traits de sa physionomie et le clappement de son langage , il est de nation Hottentote ; il a des caractères qui le rapprochent du Gonaquois. Jë croirois même , d’après la comparaison de ces analogies, qu’il est le produit du Namaquois et du CafFre 5 comme le Gonaquois est le produit du Caf- fre et du Hottentot. Ce qui me confirme dans cette conjecture, c’est que le canton qu’habite la nation gheyssiquoise touche à la Caffrerie , et la borde. Les gens de la horde eux-mêmes me' montroient, à l’est, une longue chaîne de montagnes, qui alloît Se perdre au loin vers le nord, et qui, habitée par leurs principales peuplades, les sépa- roit des Caffres, ou au moins des Briquois et des Brémas , qu’ils regardent comme des peuplades Caffres. La langue gheyssiquoise me parut être , à peu de chose près, la même que celle des Grands Namaquois ; et cependant, de toutes les n:atioiis africaines, ce sont celles qui m’ont semblé avoir entre elles lé moins de ressemblance. ! Quant aux caractères qui ne sont point originels et qui ne viennent pas de la nature, tels que la forme des habillemens, des armes, des instrumens de musique, la passion pour la chasse et la danse , etc. , le Gheyssiquois , sur ces objets, ne diffère en rien des autres nations qui l’entourent. Seulement il a adopté , pour ses pa- r-uçps , une couleur particulière, qui n’est point la leur. Toutes 1 es sienn es sont blanches , et composées des os de la j arnbe ou du pied du mouton , auxquels il sait donner, par des procédés qui lui sont propres, une blancheur éblouissante. Fabriquant ainsi lui-même ses colliers et les autres objets de son luxe , il n’a pas besoin d’en acheter la matière première , et ne dépend des colonies , pour son commerce, que par quelques articles de nécessite qui lui sont com- Tome I I . 0 0


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