tance. D’ailleurs , plus ils tiroient, et plus il étoit à présumer que leurs carquois s’épuiseroicnt' promptement, et que par conséquent ils seroient bientôt réduits à faire retraite. Ma seule crainte étoit que, nous sachant en très-petit nombre,- et se trouvant très-n om breux par rapport à nous , ils ne dirigeassent leur attaque d’après ce double apperçu. Certainement, s’ils se fussent accordés à nôus envelopper, en formant autour de nous un cordon , et à fondre, dans cet ordre , tous à la fois sur notre petite troupe , nous étions massacrés sans ressource. Mais leur tactique n’alloit pas jusques-là. Loin d’imaginer un pareil plan, leurs flèches arrivoient toutes du même côté : ce qui annonçoit qu’ils s’y étoient tous réunis et qu’ils ne s’en éloignoientpas. Cette imprudence de leur part me donnoit sur eux un grand avantage , en indiquant un point fixe vers lequel mes fusiliers pou- voient tirer. Ceux de mes Hottentots qui avoient des flèches me de- mandoient à les employer aussi. Mais je ne le voulus point. Outre que ces décharges incertaines fussent devenues inutiles pour le moment , elles nous eussent dégarnis et auroient fourni contre nous des armes aux assaillans. Le plus sûr , dans les circonstances, étoit d’attendre patiemment ; en leur laissant consommer les leurs. La plupart tomboient à plus de vingt pas de nous j et quant au petit nombre de celles qui arrivoient jusqu’à notre portée , c’étoîent des coups perdus et sans force, dont nous n’avions rien à redouter, étant enveloppés, moi dans mon manteau , et mes1 gens dans leur kros. Ce que j’avois prévu arriva. Insensiblement nos assaillans épuisèrent leurs munitions, et nous ne vîmes plus que quelques flèches lancées de loin en loin. Bientôt même l’approche du jour fit césser entièrement leur attaque , et ils ne songèrent plus qu a la retraite. ' Il est certain que, dans cet état de désarmement et sans défense, ils couroient de grands risques ; et que s i, quand le jour parut , je m’étois mis à leur poursuite , j’eusse pu en massacrer un grand nombre. Mes gens m’y exhortoient avec beaucoup d’ardeur. Mais que m’eussent fait quelques meurtres ? Mon troupeau n’etoit-il pas revenu en ma puissance , et peut-être n’y avoit-il deja eu que trop de sang répandu? Si le retour de l’aurore me fit plaisir ce jour-là, c’est qu’en me débarrassant d’une attaque inquiétante, elle me pérr mit de reprendre ma route i Més Hottentots à carquois s’occupèrent à ramasser les flèches. Il y en avoit une quantité considérable, et toutes étoient empoisonnées. Trois seulement avoient pénétré dans ma tente ; dix-sept, en traversant la toile , y étoient restées suspendues , et tout le reste sè trouvoit épars à l’entour. Cependant un boeuf en avoit reçu deux j et comme , à raison du poison, ses blessures, quoique legeres , étoient mortelles, je le fis tuer et depecer a 1 instant, pour notre provision. Avant de partir, j’eus désiré aussi qu’on inhumât, ou au moins qu’on couvrît de sable et de cailloux le corps de notre infortune Kaminouquois. Je le proposai aux gens de sa nation ; mais ils me demandèrent de l’emporter avec eux. Ils craignoient que les voleurs, en revenant chercher leurs flèches, ne le découvrissent, et qu’ils ne fissent sur ce cadavre quelque sortilège funeste. Telle est la coutume des Boschjesman, disoient-ils ; et souvent ces barbares réussissent ainsi à faire périr une famille , et quelquefois meme une nation entière. . Cqs observations annonçoient une ignorance et une superstition grossières. Mais n’ayant pas l’espoir de les en desabuser, j accédai à ce qu’on me demandoit. On empaqueta le mort dans son kros. En cet état, il fut mis én travers sur un boeuf, et nous partîmes. Je suivis toujours à peu près la même direction , en nous écartant cependant des arbres du côté de la rivière j afin de n’y être pas surpris ou enveloppes. Apres quatre heures de marche , je crus devoir faire halte , pour prendre quelque nourriture. Il y en avoit vingt-quatre que nous étions à jeun, sans avoir pu ni dormir ni manr ger un morceau. Pendant notre repas', nous vîmes passer près de nous trois Sauvages de la nation des Gheyssiquois j la seule d entre les nations
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