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contenter d’un vain bruit. Je donnai l’ordre de tirer au corps; et nos coups se succédant alternativement, bientôt nous vîmes toute cette bande d hommes, s’éparpillant comme des fourmis, s’enfuir chacun de son côté, avec des hurlemens qui n’étoient plus , comme les premiers, l’énergie de l’audace et le signal du combat, mais le cri du désespoir. s Cependant, ils ne tardèrent pas à se rallier. Je les vis même ga- gner le haut de la colline, rassembler mon troupeau qui s’j^trou- voit epars, et disparoître avec lui. Déjà leurs femmes et leurs enfans s’y etoient rendus pendant le combat, et il ne restoit plus trace d’ennemis. Ce qui pouvoit m’arriver de plus fâcheux dans ces circonstances, c’etoit cette retraite qui m’enlevoit une seconde fois mes bestiaux. Que me servoient toutes les peines et les fatigues qu’il m’en avoit coûte depuis plusieurs jours, s’ils m'étoient soustraits de nouveau, sans ressource. Il n’y avoit pas un moment à perdre. Pour peu qu# la troupe eût le tems de gagner les défilés des montagnes, la reprise devenoit impossible, et je le perdois pour toujours. Je fis donc approcher mes deux chevaux, que j ’avois laissés derrière le buisson ; et dépêchant trois chasseurs pour couper par un côté le troupeau et ses conducteurs, jegaloppai avec Klaas, pour le couper par l’autre. Bientôt j’apperçus les Sauvages descendre par le revers de la colline et chercher à gagner une plaine dans laquelle étoit un bois. En nous voyant , ils redoublèrent de vîtesse et disparurent une seconde fois. Mais ceux qui emmenoient le troupeau, ne pouvant le faire marcher aussi vîte à cause de la descente, et se voyant près d’être enveloppés , l’abandonnèrent et rejoignirent, à toutes jambes, leurs camarades. Ce qui accéléra encore la rapidité de leur fuite, fut l’arrivée de mes trois chasseurs, qui les joignirent d'assee près pour tirer sur un d’eux et le coucher par terre. Moi, pendant ee tems, j ’arrivois avec Klaas par l’autre extrémité du. cercle ; .et alors nous nous vîmes maîtres et possesseurs des bestiaux, lise pouvoit néanmoins que les. fuyards, revenus de leur première- surprise , se reconnussent, et que, rougissant d’avoir cédé à quelques- hommes, dont le nombra ne formoit pas la vingtième partie du. leur , ils revinssent en force nous attaquer. D’ailleurs , au défaut dç courage , ils avoient aussi la ruse et les stratagèmes ; ils pouvoient nous harceler dans notre retraite et nous, faire perdre en détail le fruit de notre victoire. Ainsi, sans différer un instant, je plaçai. - deux hommes en védette sur la colline, .pour observer leurs mou- vemens,. s’ils sortoient du bois ; et j’allai rejoindre au kraal le reste de ma troupe , en faisant conduire devant moi le troupeau. Presque toutes les bêtes étoient estropiées , soit par les fatigues- excessives de ht marche forcée qu’on leur avoit fait faire, soit par les coups de ségaie qu’on leur avoit donnés pour les obliger d’avancer. Cependant, quelque fut leur état, e’étoit encore un bonheur pour nous- de les avoir retrouvées. Les Kaminouquois reconnurent les leurs. Aucune des miennes n’y manquoit non plus, excepté le boeuf que nous avions vu noyé dans. la rivière, et mon boeuf de guerre . Ce magnifique animal avait été égorgé pour le- festin de la fête, et nous trouvâmes sa tête , jetée à terre prés du kraal. Le troupeau de la horde étoit là dans son parc. II n’eût tenu qu’à: moideine venger par la loi du talion,, en l’enlevant tout entier ; et mes- gens, dans leurjaolère,m’y excitaient. Selon eux, cette capture étoit légitime, et,les Colons du Cap, en pareil cas, n’y manquoient jamais. Mais ces principes n’étoient pas les miens. En dédommagement de ma perte, je me contentai de prendre une jeune vache qui venoit de mettre bas , et deux moutons gras. Moins comme équivalent dus vol que pour leur laisser un témoignage parlant de ma continence: et de mon équité scrupuleuse - Cette punition infligée , je rappelai mes vedettes et me préparai, au départ. Obligé de reprendre le long et étroit sentier par lequel. ttous étions venus , j’avois beaucoup de précautions à prendre pour me garantir d’embuscades et de représailles ; et ces mesures étoient- d’autant plus nécessaires que les boeufs, à- raison du chemin et de; leurs blessures , ne pouvoient marcher que très-lentement et.à-lafiloe


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