Page 154

27f 82-2

*64 V O Y A G E revint à lu i , et après M’être convaincu qu’il n’avoit reçu aucune blessure, je lui rendis la liberté, dont il profita sans qu’il parut souffrir en rien. Il est probable que la colonne d’air qui reuiplissoit le canon , étant chassée par l’explosion , aura d’abord frappé l ’oiseau , qu i, par un mouvement d’aîle, se sera en même tems écarté de la direction du plomb meurtrier, qui aura passé en masse sans l’atteindre pendant que le l'eu seulement, occupant une bien plus grand espace, lui aura grillé le bout des pennes des ailes et de la queue. Les boeufs qu’au montent de mon départ j ’avois loués dans la horde , ine devenant inutiles , tant parce que mes effets étoient considérablement diminués que parce que je me trouvois à une journée de mon caulp, je les remis à leurs maîtres ; en invitant ceux-ci à v en ir, dans quelques jours , et lorsque leurs divertissemens seroient entièrement finis , me demander et recevoir le prix de leurs services. Assurément ces services étoient bien peu de chose ; on en a vu la preuve ci-dessus ; et loin de m’applaudir d’avoir à mes ordres de pareils compagnons de voyage, mille fois j ’avois désiré d’être délivré d’eux. Mais des momens arrivent où tout s’oubliè. Ces hommes q u i, par leur poltronerie et leur nonchalance m’avoient tant impatienté , à-présent qu’ils ne m’étoient plus nécessaires, me paroissoient n’être plus les mêmes. Je les voyois avec d’autres yeu x, et les excusais à mes propres dépens. Pourquoi, après tout, auroient-ils épousé ma passion pour une science qui leur étoit' si étrangère. Tranquilles par tempérament et par habitude , sans désirs aucuns, ils ne dévoient point avoir mes folies. Combien de fois en rejetant leur sagesse, dupe des belles promesses dés hommes , de leurs perfides mensonges ; combien'de fois j’ ai rappelé, mais en vain ! les momens perdus a les servir : bien résolu de ne plus échanger mon sommeil et ses douceurs obscures, contre leurs louanges fades et insipides, et la sorte de fumée qu’ils vous soufflent' au visage. Après avoir fait quelques largesses aux femmes et aux enfans de la horde , je revins avec ma troupe à là rivière , et nous continuâmes de la remonter. Quoique cétté nouvelle route fût dans des lieux que que chacun de nous avoit parcourus cent fois, personne néanmoins ne les reconnoissoit; tant le changement de saison et le retour de la ■sève avoient fait succéder d’éclat et de richesse à la stérilité dans laquelle nous les avions laissés à notre départ. Peut-être môme eussions-nous, sans nous en appercevoir, dépassé le camp ; d’autant plus, qu’étant placé par delà les arbres qui bor- doient l’autre rive , il nous étoit cache. Enfin, nous nous trouvâmes en face; et ce fut au tombeau de ce Kaminouquois dévoré par un lion, que nous nous reconnûmes. A la vue du terme de tant de courses, l ’allégresse ne se contint plus..Mes gens poussèrent de grands cris pour appeler et avertir leurs camarades ; et en même tems je fis faire une décharge de toute notre mousqueterie. Ce double signal fut entendu. Ou y répondit par des hurlemens semblables ; et dans un instant je vis toute la troupe du camp accourir sur la rive , se jeter à l ’eau, et passer de mon côté pour me témoigner sa joie et revoir ses amis. L ’entrevue des deux bandes ne pouvoit manquer d’être bruyante. Ce fut le même hourvari que la veille. Swanepoel seul étoit resté sur le rivage. Trop vieux et trop pesant pour nager, il tendoit les bras vers nous, et crioit qu’on vînt le prendre avec le radeau. Dans la joie et la surprise générale, personne n’avoit songé à lui. Enfin, on alla le chercher ; et le vieillard, en se jettant dans mes bras , les larmes aux yeux, me raconta tout ce que mon absence lui avoit causé d’inquiétudes. . Ces quatre mois étoient devenus pour lui un siècle ; et quoique je lui eusse dit de m’attendre cinq ou s ix , il avoit hésité s’il ne re- tourneroit pas au Namero ; d’autant plus que les Sauvages qui étoient venus lui amener les boeufs achetés par moi dans ma route , lui avoient dit qu’avec les manières amicales que je savois employer vis-à-vis différens peuples, je pouvois aller si loin que peut-être il n’entendroit plus jamais parler de moi. On nous trouva changés et maigris ; e t, après les fatigues énorme* quenous avions essuyées, je ne devois point être étonné de la remarque. Brûlé, pendant le jo u r , par un soleil dévorant, obligé de mar> Tome I I , * L 1


27f 82-2
To see the actual publication please follow the link above