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pensoit me mettre dans l’impossibilité de l’entreprendre si je man- quois de marchandise de traite, il avoit cherché à épuiser et à consommer les miennes ; et certes, si le malheur des circonstances ne m’avoit pas déjà déterminé à retourner au Cap, ce projet perfide étoit bien capable de m’y forcer. Pour m’acquitter envers le Kaminouquois dont j ’avois tue le boeuf , quelques jours auparavant, j ’en achetai un , que je lui livrai , et quant au sien, la précipitation avec laquelle on l’avoit dépecé ayant empêche de prendre toutes les précautions nécessaires pour sa conservation , je le fis distribuer à la horde. Le vent continua de souffler pendant trois jours entiers ; et comme j ’étois décidé à ne me remettre en route que quand il setoit entièrement appaisé , je séjournai dans ce lieu. Cependant, ce délai ne fut pas pour moi un tems entièrement perdu , malgré que le vent nous incommodât beaucoup par la position des montagnes contre lesquelles nous nous trouvions adossés , et de dessus lesquelles il ae précipitoit avec fureur sur notre camp. J ’entrepris quelques chasses qui furent heureuses , et qui spécialement me procurèrent, pour ma collection, deux espèces d’animaux charmans que je ne connois- sois point encore. L ’un, du genre des écureuils, mais moins gros et plus allongé que l ’écureuil du Canada qu’a décrit Buffon, est une espèce nouvelle. Sa couleur est isabelle sur le dos et les côtés ; il a le ventre blanc avec la queue blanche et isabelle ; et il porte de chaque côté, sur le flanc, une bande blanche qui en suit toute la longueur. Du reste , son pelage approche davantage, par sa nature, des pointes du porc- épic que du poil de l’écureuil. Celui de la queue, long et touffu, a , par sa longueur même, une sorte de flexibilité ; mais sur le corps , il est dur et rude ; et même , lorsqu’on le frappe avec une baguette , il produit, en s’entrechoquant, un bruit sonore qui approche de celui que prennent les piquans du porc-épic. L ’animal a , comme l’écureuil, tous ses mouvemens légers et plein de grâce ; et, comme lu i, il étale, quand il court, sa jolie queue. Les Grands Na- 'maquois le nomment aguimp. Du même coup, je tuai le mâle et la femelle. Celles ci ne différoit de l’autre que par un peu moins de grandeur et par une couleur plus grisâtre. Je donnerai dans la description des quadrupèdes d’Afrique , la figure de ce joli petit animal. Le second quadrupède, qui m’étoit alors entièrement inconnu, est une espèce de vivera ; du moins, je le jugeai tel. Mes Hottentots colons le reconnurent tous pour être un muys-hond, nom que les ha- bitans du Cap donnent généralement à. tous les petits quadrupèdes carnassiers. Ils m’assurèrent en outre, qu’il étoit très-commun dans plusieurs endroits de la colonie ; je ne me rappelai cependant pas de l ’y avoir jamais ni vu ni rencontré ; son corps étoit de la force de celui d’un chat de six mois ; il avoit le museau très-alongé ; la mâchoire supérieure débordant l ’inférieure dé près de huit lignes, lui formoit une espèce de groin mobile , absolument semblable à celui du coati de la Guyane. Les pieds de devant sont armés de quatre grands ongles arqués et très - pointus , tandis que ceux de derrière en ont cinq, q u i, au contraire , sont courts et émoUssés. Tout le pelage de la partie supérieure du corps , sur un fond d’un bruit clair mêlé de beaucoup de poils blancs, porte des bandes transversales d’un brun foncé. Le dessous du corps et le dedans des jambes sont d’un blanc roussâtre ; la queue, très-charnue et plus longue que les deux tiers de la longueur du corps, est noire à son extrémité ; du reste elle est brune , mélangée de poils blancs. Cet animal se sert de ses griffes de devant pour se creuser, en terre, des trous très - profonds , où il demeure caché pendant le jour, n’en sortant qu’au soleil couchant pour aller chercher sa nourriture. Je p ris, dans le même canton, une chauve-souris bien particulière ; elle entra un soir dans ma tente et éteignit ma lumière en se jetant dessus. Cette espèce mérite, à bon droit, le nom d’oreil- làrde ; car elle a quatre oreilles , du moins quatre conques , dont deux l’une dans l’autre , pour chaque oreille; les deux extérieures, très-étendues, et servant comme d’enveloppe aux intérieures , ont deux pouces huit lignes de hauteur, et ont, à peu de chose près, K k i


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