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nourriture étoit tellement couvert de sable, qu’il nous étoit impossible d’en manger. A cette gêne insupportable se joignaient les inquiétudes que me donnèrent nos troupeaux, qui, ramassés tous en peloton, restoient immobiles sans vouloir manger; et le pis de l’aventure, étoit-que nous n’avions pas une goutte d’eau dans les environs de notre camp. Tel étoit l ’effet fâcheux des circonstances où nous nous trouvions. Forcé de m’arrêter tout-à-coup dans ma marche, je n’avois point été maître de choisir une position plus favorable. Vers midi, voyant que le vent ne cessoit point, nous prîmes le parti de nous remettre en marche , vers un groupe de montagnes que nous avions au sud-est. La horde où je me proposois de me rendre , étoit encore éloignée de trois lieues a peu près , et pour la gagner, dans ce moment, il eût fallu marcher absolument contre le vent, ce qui auroit été impraticable. J ’ordonnai donc le départ. On découvrit mes ballots qui étoient ensévelis sous le sable ; on chargea les boeufs , et nous partîmes. Maïs quoique nous eussions le vent un peu de côté , il nous gêna beaucoup dans notre route ; en vain mes Sauvages cherchoïent - ils a conduire les boeufs en droite ligne vers les montagnes ; l’impétuosité du vent étoit si terrible , que ces pauvres bêtes , malgré tous leurs efforts, dérivoient insensiblement, ainsi que nous-mêmes ; de sorte que souvent nous avions le dos tourne à la direction que nous nous proposions de suivre. Ce que je dis ici ne surprendra point les gens qui auront voyagé dans les parties méridionales de l ’Afrique. Ils savent combien y sont terribles les effets de cet effroyable vent de sud-est ; et ils n ignorent pas que si certains cantons et sur - tout certaines montagnes n’ont aucune sorte de végétation quelconque, et par conséquent sont inhabitables , c’est qu’ils y sont particulièment exposés. Enfin cependant, celui-ci s’appaisa vers le soir. Le calme renaquit , et nous eûmes une nuit tranquille ; ce moment de relâche fut pour nous un vrai bonheur, et îlsauva la vie à nos troupeaux. Le lendemain, avantlejour, nous nous remîmes en marche vers une horde namaquoise, namaquoise , où nous fûmes à peine arrivé» que le vent recommença de plus belle. En approchant du k ra a l, je ne fus pas peu surpris de me voir accueilli comme un homme de connoissance. J ’appris que plusieurs de mes gens de l’Orange étoient venus , il y avoit deux mois, y négocier des boeufs pour moi ; et tout récemment le chef avoit envoyé au camp quelques-uns des siens pour s’y procurer du tabac et des quincailleries qu’ils me montrèrent et que. je reconnus pouretre des miennes. De retour depuis quinze jours au plus, ils me donnèrent des nouvelles de Swanepoel et de ses camarades. Tous, après m’avoir attendu avec impatience , commençoient à s'inquiéter sur mon compte. Du reste, le canton , depuis mon départ, était totalement change. Les pluies y avoient couvert la terre de verdure , et par-tout les bord» du fleuve étoient embellis par de superbes pâturages. Aussi Swanepoel avoit-il fait revenir les. boeufs qui me restoient encore dans la horde de Bernfry ; et il les iàisoit parquer tant avec ceux qu’il avoit acquis par ses différens marchés qu’avec ceux que je m’étais procurés à mon passage dans diverses hordes , et q u i, d’après les en- gagemens des vendeurs , y avoient été conduits fidellement. - Ce nom de Bernfry, qui depuis quatre mois retentissoit pour la première fois à mon oreille, sembloit m’annoncer quelque nouvelle sinistre. M o n .pressentiment ne me trompoit point. On m’appnt encore que ce méchant homme , irrité de ce que , pendant mon absence, je ne lui avois pas confié la surintendance de mon camp, s’en étoit vengé par une manoeuvre abominable. Q u a n d .Swanepoel étoit a llé , avec quelques hommes, dans les hordes voisines, pour y négocier des échanges, lu i, sous prétexté de leur servir de guide , il s’étoit offert à les accompagner; et le résultat de ces voyages avoit été que prévenant d’ avance les vendeurs , tout ce qui s’étoit acheté pour moi avoit été payé- plus du double de sa valeur. Comme il me croyoit toujours dans la résolution de ne revenir sur l’Orange que pour recommencer nn nouveau voyage, et qu’il Tome 1 1 . ■ K k


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