dépendamment de notre nombre, le spectacle que nous présentions ¿toit fait pour effaroucher. Quoique nous fussions dans le mois de mars et que les chaleurs commençassent à être moins fortes, elles Fétoient cependant assez* encore pour nous incommoder ; et chacun de nous continuoit de porter ces parasols dont j’ai parlé ailleurs, et qui assurément, par le coup-d’oeil étrange qu’ils offroient, ne pou- voient manquer de devenir un épouvantail. Je détachai mes guides après les fuyards, afin de les rassurer et de les arrêter avant qu’ils allassent porter l’alarme dans la horde.1 Effectivement ils m’attendirent , me témoignèrent de l’amitié, et allèrent prévenir leurs camarades sur mon arrivée. Plusieurs gens de- ma troupe les accompagnèrent ; et moi, pendant ce teins, je les suivis ; mais je m’arrêtai à quelque distance du kraal, ët j y campai ; me ressouvenant encore des nuits bruyantes de la précédente horde , et voulant qu’il me fut permis au moins de dormir dans celle-ci. Hommes, femmes et enfans, tous vinrent me visiter. Le Sauvage ne connoît guère vis-à-vis des étrangers que deux sentimens : ou une méfiance outrée , ou une confiance, sans bornes. Tout un. ou tout autre, il n’admet point, dans ses rapports, de nuances intermédiaires. Ces détours astucieux que nous nommons, prudence et circonspection , lui sont étrangers. Aussi, corniie il se montre à vous tel qu’il est, vous ne pouvez vous méprendre à ses procédés ; et vous êtes averti de vous tenir sur vos gardes, ou invité à vous confier a lui avec sécurité. J ’indiquai, pour le lendemain, une chasse aux giraffes. Toute ta horde y concourut , et fut employée à rabattre vers nous ces animaux. Nous eûmes le bonheur de tuer une femelle., q u i,. mesurée , avoit treize pieds six pouces de hauteur ; Ce qu i, au rapport des Sauvages, est pour elles la plus grande taille. Notre femelle, à l ’inspection de ses dents, fut jugée très - vieille ; aussi sa couleur approchoit - elle beaucoup de celle des mâles. J ’aurois bien désire rencontrer une femelle avec son petit; j’aurois peut-etre réussi a prendre le jeune animal vivant ; j ’esperbis aussi que çeile que nous venions d’abattre auroit un fétus , mais elle n étoit pas pleine. A mesure que je me rapprochois de mon camp, je me rappelois le besoin que j ’avois de me procurer des boeufs. La horde en possédoit beaucoup ; mais je ne pus en acquérir que sept ; parce que je man- quois d’objets d’échange. Jille eût désiré du tabâc et du dagha (feuille de- chanvre) ; et sur ces deux denrées, j’étois'hors d’état de la satisfaire. Il me restoit encore assez considérablement de ver- roteries j mais elle h en ikisoit aucun cas. Heureusement les femmes virent, parmi mes effets, certains grains rouges et blancs, delà grosseur d’une aveline, dont la bigarrure leur plut tellement que pour s’en procurer elles auroient donné tout ce qu’elles possédoient. Les hommes s’en montrèrent également amoureux. Je leur cédai aussi quelques douzaines de gros çloux, avec du fil de laiton pour faire des bracelets ; et ces trois objets me suffirent pour mes échanges. De pareilles remarques paroîtront peu importantes à la plupart de mes lecteurs ; mais elles le sont beaucoup pour les voyageurs q u i, comme moi, entreprendroient de visiter l ’Afrique ; et sous ce point de vu e , je ne dois point les omettre. En quittant la horde, je congédiai les guides qui m ’y avoient amené; et j ’y en pris d’autres pour.me conduire jusqu’à la plus voisine. Nous dirigeâmes notre marche vers l ’est, en suivant la direction des montagnes.; mais dans la route , il survint un accident qui faillit à devenir désastreux , et même à me coûter la vie. Un de nos boeufs , avoit pour charge des boëtes de quincaillerie. L ’une d’elles, mal attachée apparemment, faisoit par son balotte- ment un bruit qui inquiéta l ’animal. Impatiente de ce cliquetis continuel, il fit un effort pour s’en débarrasser ; et en effet elle tomba dé la secousse. Mais les autres, dégagées et entraînées par sa chûte , tombèrent aussi, et firent par la leur un tel vacarme que le boeuf et tous ceux qui l’entouroient, se débandèrent et fuirent avec effroi. L ’épouvante se communiquant au reste du troupeau, tous , chèvres , moutons , chevaux, s’écartèrent chacun de leur côté. En un instant, le désordre fut dans la caravane ; et les conducteurs eux- mêmes, entraînés par leurs bêtes qu’ils ne-pouvoient arrêter, cou- roient.et se dispersoient avec elles.
27f 82-2
To see the actual publication please follow the link above